Par : Kamel Zaiem

La journée de samedi a été chaude et très animée pour tous les Tunisiens, sauf une seule créature qui n’a point été secouée par les mouvements sociaux et politiques qui ont eu pour théâtre l’avenue Habib Bourguiba, au centre-ville de Tunis.

C’est qu’à Carthage, le président de la République a fait, ce jour-là, sa grasse matinée et a pleinement profité de son weekend, n’ayant entrepris aucune activité officielle.

Rassemblements politiques : ça ne marche plus…

Et ceux qui ont attendu une sortie nocturne de Saïed sur cette même avenue pour marquer sa présence comme il l’a déjà fait à plusieurs reprises, ont déchanté puisqu’il n’a pas quitté son antre et n’a même pas fait de commentaires au moment où les deux mouvements opposés de ces manifestations le concernaient directement.

Certes, ces rassemblements n’ont pas rassemblé plus que quelques centaines de personnes et n’ont pas fait trop de bruit car, qu’on le veuille ou pas, ils étaient programmés par des partis politiques, du moins celui qui s’est prononcé contre les actions entreprises par Kaïs Saïed un certain 25 juillet 2021, ce qui dénote le manque d’intérêt chez les citoyens qui y ont assisté en spectateurs ou l’ayant franchement boudé.

C’est dire que ce soubresaut dans le camp des opposants de Saïed, conduits essentiellement par Ennahdha et ses satellites Qalb Tounès et Al Karama, semblent ne plus pouvoir faire revenir la machine vers l’arrière, d’autant plus que ces trois partis, qui forment la majorité au Parlement, n’arrivent plus aujourd’hui à réunir des milliers de manifestants ou, peut-être, n’ont plus les moyens financiers et logistiques pour le faire comme c’était le cas avant lorsqu’ils tenaient les rênes du pouvoir.

Feu vert

C’est pour cette raison que certains observateurs politiques avertis estiment que ce qui s’est passé samedi n’était qu’un constat d’échec pour les forces opposées à Saïed même si le président de la République ne peut en tirer aucun profit puisque même ses partisans n’affichent plus la même sérénité et le même enthousiasme que celui constaté le 25 juillet.

Pour sa part, le président de la République ne semble toujours pas pressé d’agir et de mettre en exécution toutes ses promesses. Ayant passé avec plus ou moins de succès l’épreuve des interventions étrangères, notamment des USA et de l’Union européenne, il estime avoir, à présent, le feu vert pour aller de l’avant même avec certaines conditions qui lui étaient imposées.

Saied sait bien aujourd’hui qu’il va pouvoir étendre son règne et engager les réformes dont il a souvent parlé, non sans se dépêcher pour annoncer des élections législatives avant terme pour permettre au Parlement de reprendre ses activités.

Toutefois, le clan de Saïed au palais de Carthage se doit d’être plus prudent pour éviter les nombreux pièges et embûches en cette délicate période. Les dernières nominations au ministère de l’Intérieur n’ont pas échappé aux critiques puisque Sami Yahiaoui, promu au poste de directeur général des services spéciaux, fait toujours rappeler le responsable sécuritaire à Gafsa lors des tristes événements du bassin minier en 2008 et cette promotion est très mal vue par les défenseurs des droits de l’homme et par tous les citoyens soucieux de se débarrasser définitivement des symboles de la dictature sous les ordres de Ben Ali.

Certes, comme l’a rappelé Saïed, il ne s’agit pas de se presser outre mesure, mais lorsque rien ne bouge, ou presque, pendant deux mois avec des interdictions de voyage faites à la tête du client et d’autres mesures discutables telles les assignations à résidence, il y a péril en la demeure et le Président doit savoir y remédier rapidement pour remettre les choses en place dans un total respect des lois et des droits humains.

Place à l’action

Dès lors, on doit s’attendre à une accélération du rythme du côté de Carthage. Walid Hajjem a révélé il ya deux semaines que la nomination du futur chef de gouvernement se fera dans quelques jours. Or, depuis deux semaines, on ne voit rien venir et ces déclarations destinées à calmer le jeu et à gagner du temps ne servent les intérêts d’aucune partie, celle de Saïed en particulier.

Les échos parvenant de Carthage font part de très probables annonces importantes à tous les niveaux au cours de la semaine prochaine. Et si ça va être le cas, ça ne peut qu’apaiser un climat social très mal au point et rassurer davantage quant à la nature de l’ère Saîed qui, au fait, n’a commencé que depuis deux mois.

Certes, en politique, il y a peu de place à l’optimisme béat car chaque acte obéit à des critères et à des calculs propres aux décideurs, mais les Tunisiens n’ont plus le choix. Celui qui leur a promis monts et merveilles se doit d’agir vite et de faire preuve de bonne volonté et de courage pour aller de l’avant et sauver un pays de plus en plus à la dérive.

K.Z.