Par Brahim Oueslati

Depuis ces derniers temps, ça tangue dur entre les différents intervenants dans le pouvoir judiciaire, au vu et au su d’une opinion publique incrédule. Et c’est le président de la république Kais Saied qui est monté, en personne, au créneau en prononçant un réquisitoire sévère contre le système judicaire, dénonçant les abus et les dépassements dans le corps des magistrats. Le tout devant le président du Conseil supérieur de la magistrature Youssef Bouzkhar qui avait l’air un peu hagard. Tant il est vrai que le corps de la justice se trouve secoué par deux antécédents graves : la mise à l’écart de deux hauts magistrats, le premier président de la Cour de cassation, pour soupçons de corruption et l’ancien procureur de la république près le Tribunal de première instance de Tunis pour soupçons de couverture d’éléments terroristes.

La mainmise d’Ennahdha

Pourtant, la justice qui a longtemps souffert de la mainmise du pouvoir exécutif, a été dotée d’une haute instance judiciaire, avec un Conseil supérieur totalement indépendant et dont les membres, y compris le président, sont élus par leurs pairs et qui assure la gestion des carrières des juges.

Le troisième pouvoir repose, en effet, sur deux principes fondamentaux qui sont l’indépendance et l’impartialité. Deux principes qui imposent le respect envers un acte ou une décision juridictionnelle en vertu du principe de déférence judiciaire. 

Mais ce sont les partis politiques et pour être plus précis, le mouvement Ennahdha qui a tout fait pour mettre la justice sous sa coupe, en accroissant son emprise sur ce pouvoir.

Cela a commencé avec la nomination de son dirigeant l’avocat Noureddine Bhiri à la tête du ministère de la justice, dans le premier gouvernement de la Troïka dirigé par Hamadi Jebali. Il a adopté la politique du bâton, avec le limogeage de plus de 80 magistrats qu’il avait accusés de corruption et de connivence avec le régime de Ben Ali et dont la plupart ont été réintégrés, après avoir gagné leur combat contre l’injustice qui les avait frappés.

 Depuis, le parti islamiste a poursuivi sa mainmise progressive sur le système judiciaire, faisant fi de toutes les critiques. Ce qui a porté gravement atteinte au principe fondamental de l’indépendance de la justice.

D’ailleurs, le ministère de la justice a toujours été, avec celui de l’intérieur, la pierre d’achoppement de tous les gouvernements successifs, au cours des dernières années.

« Dégraisser le mammouth »

Les bisbilles et les chamailleries, jusque-là inimaginables dans un corps de métiers aussi respecté que celui de la magistrature, a eu de très mauvaises répercussions sur le fonctionnement de notre justice et ont faussé son image, déjà ternie, non seulement auprès de l’opinion publique nationale mais aussi devant l’opinion internationale qui scrute avec beaucoup de soin l’évolution de la situation en Tunisie. Chercher à traîner dans la boue des juges, aussi corrompus soient-ils, n’honore ni les uns ni les autres.

Ce genre de lynchage, notamment dans les réseaux sociaux, ne pourra pas régler le fond du problème, d’autant plus que nul ne pourra se prévaloir d’une quelconque légitimité ni d’un quelconque droit, l’autorisant à jeter « l’honneur de ses collègues aux chiens ». Mais opérer dans le calme et la discrétion pour « dégraisser le mammouth » et assainir un appareil serait, à notre sens, plus indiqué et mieux approprié pour rendre aux magistrats leur honneur et rétablir la confiance en cette justice longtemps décriée et bafouée. Car, si le citoyen perd confiance dans la justice de son pays, il ira chercher d’autres méthodes pour se faire justice soi-même en retournant à la tribu, à la famille ou au clan. Ou à la loi de talion.

Aujourd’hui que le président la république Kais Saied s’est fermement engagé à assainir le pays des corrompus et des malfrats, à rétablir la confiance en les institutions de l’Etat et dégraisser tous « les mammouths », la réforme de la justice s’avère une nécessité vitale. Elle est le fondement même de la démocratie et la garante des libertés et des droits des citoyens. Cette réforme devra être menée par toutes les parties prenantes, sans exclusive ni accaparation et, en conséquence, contribuer, à l’instauration de la quiétude et de la stabilité sociale et le développement économique.

B.O