Par: Kamel Zaiem

Aujourd’hui, alors que le pays a nettement besoin de mettre un terme à l’hémorragie de l’endettement, le recours au Fonds Monétaire International (FMI) pour chercher de nouvelles sources de financement est considéré comme un passage obligatoire au moment où toutes les autres options semblent hors de portée.

La Tunisie, qui a enregistré un taux de croissance de -2,2% en 2020 et de 0,1% en 2019, s’apprête à connaître un taux catastrophique en 2021 et le choix d’aller, encore une fois, plonger dans les bras du FMI s’avère fatal mais inévitable avec un gouvernement incapable de faire mieux.

C’est dire que la mission de Hichem Mechichi à New York ne sera guère facile face à un vis-à-vis qui se montrera sûrement plus exigeant et en position de force pour imposer ses conditions.

Une entreprise très délicate

En contrepartie, la délégation tunisienne doit en premier lieu convaincre et faire preuve d’habilité et de savoir-faire pour gagner une partie pas tout à fait à sa portée. C’est que discuter avec le FMI dans le contexte actuel c’est comme marcher sur des œufs.

Avec des voyants au rouge depuis un bon bout de temps déjà, des caisses désespérément vides, une économie agonisante, un pouvoir d’achat de plus en plus affecté, un taux de pauvreté inquiétant et un taux de chômage qui ne baisse pas, la Tunisie aura toutes les peines du monde à éviter la faillite dans un court délai si rien ne change.

Pourtant, quelques solutions de fortune existent, selon plusieurs experts, dont essentiellement l’intégration entière ou progressive du secteur informel, la lutte contre l’évasion fiscale face à des lobbies de plus en plus forts, la simplification des procédures administratives dont on ne cesse de parler depuis lurette sans aucun pas en avant, l’amélioration du climat des affaires au lieu de prendre en otage les chefs d’entreprises et les piller à l’usure, le renforcement du partenariat entre les secteurs public et privé qui marche actuellement à pas de tortue ainsi que la transition énergétique.

Or, ceci n’est possible qu’avec la mise en place d’un pacte national de sauvetage et de relance, avec un consensus entre les principales parties prenantes, en premier lieu le gouvernement, les partis politiques et les composantes de la société civile, l’UGTT, l’Utica et l’UTAP notamment, comme l’a souvent rappelé Nizar Yaïch, l’ancien ministre des Finances.

Les mains vides

Or, avec ce tableau noir, que vont présenter Hichem Mechichi et ses lieutenants comme garantie aux sceptiques dirigeants du FMI ? Le chef du gouvernement, qui se lance dans cette entreprise quasiment les mains vides, va sûrement promettre d’entamer le plus tôt possible les réformes en question et il va promettre de se soumettre à leurs exigences en tentant d’imposer de nouvelles lois qui mettront l’Etat sur la voie des grandes réformes, aussi douloureuses soient-elles pour une population déjà très mal au point et au bout de sa patience.

De même, Mechichi et sa délégation vont surtout compter sur le soutien des amis de la Tunisie, dont l’Union Européenne, le G7 et les Etats-Unis pour s’assurer une meilleure souplesse de la par des responsables du FMI, ce qui paraît encore possible dans une entreprise qui pourrait constituer la dernière carte avant de lâcher définitivement un pays qui ne donne pas l’impression d’apprendre de ses précédents échecs et dont la classe politique et les mafias qui l’entourent semble encore plus gourmands qu’avant.

Une dernière chance

C’est à se demander si cette dernière bouée de sauvetage va réellement sortir le pays de la zone rouge et redonner de l’oxygène à une économie en réanimation depuis des années déjà. Et les citoyens, qui accusent logiquement leurs gouvernants d’avoir mis le pays dans un tel pétrin, vont-ils se soumettre facilement à un nouveau tsunami économique qui s’annonce avec les nouveaux engagements du gouvernement et les nouvelles mesures qui risquent de s’avérer plus que douloureuses.

Car, finalement, avec un pouvoir qui se montre prêt à tout pour préserver ses intérêts et qui se soucie très peu des souffrances des citoyens, ce nouvel épisode du feuilleton du FMI avec un argent qui pourrait s’évaporer sans traces comme dans de précédents cas, risque de connaître des lendemains très incertains et des réactions que nul ne peut en mesurer d’avance la fulgurance et les conséquences.

C’est dire que le gouvernement de Mechichi aura en main une dernière chance pour convaincre et se refaire une virginité après tant de couacs et de dérapages.

K.Z