Par Soufiane Ben Farhat

Les Tunisiens sont livrés à eux-mêmes, victimes de la troisième vague particulièrement perverse et meurtrière du coronavirus. Toutefois, rien n’y fait. Nos hauts responsables et élus s’adonnent toujours à la corruption en toute impunité. Celle-ci est leur péché majeur, en plus de leur incompétence caractérisée. Deux faits révélateurs ont défrayé la chronique ces derniers jours. Indubitablement, ils rejoignent la longue liste des faits de corruption enregistrés au cours des derniers mois.

En violation de la loi

En fait, l’actualité des derniers jours regorge de situations et d’actes témoignant de la corruption d’au moins deux parlementaires. Acte I : une députée d’Ennahdha, Aroua Ben Abbes, se fait vacciner sans être inscrite sur la plateforme Evax. Qui plus est aux dépens des personnes à vacciner prioritairement. En effet, elle a tout bonnement utilisé des subterfuges et artifices pour se faire injecter une première dose du vaccin anti-Covid. Entretemps, sa complice a été démasquée et démise de ses fonctions. Cependant, notre élue s’est ingéniée à recevoir la seconde dose en dépit du scandale. Pis, elle s’est justifiée en prétendant qu’elle se trouvait par hasard sur le lieu de vaccination et qu’on l’y a en quelque sorte forcée.

Acte II : Un autre député, Makki Zaghdoud, a tout bonnement bénéficié d’une ferme domaniale de 415 ha en violation de la loi interdisant aux députés de contracter avec l’Etat au cours de leur mandat. Et dire que ledit député est membre de la commission parlementaire de lutte contre la corruption.

Justificatifs aberrants

Démasqués, nos élus n’ont même pas tenté de reconnaître les faits et faire amende honorable. En revanche, ils se sont ingéniés à vouloir justifier l’injustifiable. Ce qui en dit long sur l’impunité généralisée sévissant sous nos cieux.

En vérité, les Tunisiens sont devenus habitués à ce genre de situations et postures. En effet, la corruption gangrène le système. Elle détache même sur la société dans son ensemble où sévit la petite corruption. Finalement, la corruption s’intègre au paysage ambiant, fait partie du décor en quelque sorte.

Bigoterie ostentatoire et corruption avérée

Paradoxalement, les pratiques inavouées tranchent net avec les discours ressassés à longueur de journées. En effet, Ennahdha et ses alliés redoublent de discours fondés sur la bigoterie ostentatoire. Ils s’improvisent volontiers et prétendument en tant que ceux « qui craignent Dieu et prêchent la bonne conduite ». Finalement, ils font le contraire. Ils n’ont de cesse d’utiliser la religion à des fins politiciennes en somme. Encore une fois, hélas, la religion est l’opium des peuples.

La corruption au temps du virus

A bien y voir, la longue crise du Covid 19 a été propice au déchaînement de la corruption sous nos cieux. En fait, elle est on ne peut plus effective dans les cercles officiels et parmi les élus. Cela a commencé avec la corruption liée à la confection des masques et bavettes. Puis cela s’est étendu aux tests PCR, aux cliniques, aux vaccins antigrippe, aux déchets italiens importés illégalement. Et la liste n’est guère exhaustive. Cela s’est traduit par la démission d’un gouvernement, le gouvernement Fakhfakh, l’arrestation d’un ministre et l’implication d’élus locaux et parlementaires.

Naturellement, la justice a été saisie. N’empêche, l’immixtion des partis et coteries et la longueur des procédures laissent un arrière-goût d’amertume. On a l’impression que l’impunité sévit encore et toujours. Le citoyen lambda désespère, il ne croit plus en rien.

Défiance envers les dirigeants

Paradoxalement, la crise de confiance influe sur la montée en flèche du nombre de victimes du Covid 19. En mars 2021, le sociologue français Antoine Bristielle a publié un essai fort révélateur. Son titre résume tout : « À qui se fier ? De la crise de confiance institutionnelle à la crise sanitaire ». En effet, il y démontre que les pays où l’on meurt le plus du Covid 19 sont aussi ceux où les citoyens sont les plus défiants envers leurs dirigeants. En revanche, les pays aux niveaux de confiance institutionnelle les plus forts ont enregistré des taux de mortalité liés au Covid 19 plus faibles que leurs voisins européens notamment.

La triste actualité tunisienne corrobore cela, hélas. Et l’on n’est pas certain que le bout du tunnel soit pour sitôt.

S.B.F