Par : Kamel Zaiem

Il est vrai qu’il est connu pour sa ténacité, et il est également vrai que celui qui a passé plus de quarante deux ans à la tête d’une secte aussi complexe qu’Ennahdha voit très mal la route de la sortie même s’il se trouve dans une impasse. C’est de Rached Ghannouchi qu’on parle, l’homme qui se voit leader éternel de cette secte et qui s’est mis à penser qu’il va le devenir également à la tête de tout un pays même si, à travers ses convictions et celle des Ikhwans, la patrie ne lui signifie pas grand-chose, la considérant, en fin de compte, qu’un simple émirat sous les ordres de ses parrains en Turquie et dans d’autres pays.

Le cheikh a critiqué à maintes reprises l’attachement de Bourguiba et de Ben Ali au pouvoir, mais il semble oublier qu’il a fait beaucoup mieux avec plus de quatre décennies à diriger plusieurs générations de sa fratrie.

Mobilisation fictive

Aujourd’hui, et sans revenir aux détails de ce que la Tunisie a vécu et aux malheurs endurés par les Tunisiens durant la dernière décennie, avec ce même cheikh aux commandes, le glas a sonné pour ces Ikhwans, finalement vomis par toutes les classes sociales et politiques du pays.

Le calme prévaut devant le Parlement, mais…

Or, le cheikh, probablement atteint par une curieuse folie des grandeurs qu’il s’approprie, s’évertue à faire de la résistance et à jouer les prolongations. C’est que le coup constitutionnel opéré par Kaïs Saïed, le président de la République un certain 25 juillet 2021, suivi par l’annonce du décret 117 qui paralyse totalement l’activité du Parlement et le classe quasiment hors la loi, a frappé de plein fouet les illusions du leader d’Ennahdha qui espérait faire perdurer son règne contesté même par une importante frange de ses partisans qui s’activent publiquement pour le virer et s’en débarrasser.

Appelé à faire ses valises et à ne plus mettre les pieds au Parlement, le président gelé de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) et les quelques députés qui craignent fort de perdre leur statut qui leur a longuement offert une totale impunité, voient très mal la poursuite de la suspension de leurs activités. D’ailleurs, après avoir désespéré d’une éventuelle intervention étrangère pour les réinstaller au Bardo, ils ont tenté de réagir sur le terrain vendredi dernier en annonçant une mobilisation en masse pour  « reprendre leur travail » après des vacances fort méritées !

Un message voilé

Après l’échec de cette trouvaille, le cheikh est passé à d’autres plans pour faire prolonger le suspense, à travers un curieux communiqué dans lequel il défie Kaïs Saïed en dénonçant l’activation de l’article 80 d la Constitution et la publication du  décret présidentiel 117 qui représente, à ses yeux, un obstacle à l’application de la Constitution, une invasion des prérogatives de l’ARP et une inquiétante concentration des pouvoirs. D’ailleurs, toujours sur sa lancée, Ghannouchi rappelle à Saïed qu’il doit assumer la responsabilité de la fermeture du Parlement, ce qui a retardé les intérêts vitaux de l’institution et du pays, et même de la fermeture du site historique du musée du Bardo qui représente la mémoire de la Tunisie.

Eh oui, chers Tunisiens, le cheikh pense à tout et tient à protéger et à mettre en valeur tous vos symboles de racines et de civilisation. Celui dont les amis et jeunes férus de sport dans les régions montagneuses ont commis un carnage à l’intérieur même du musée du Bardo, vient nous mettre en garde sur la gravité de la fermeture de ce lieu socio-culturel lors qu’il n’a pas bougé le petit pouce lorsque les terroristes y ont provoqué un bain de sang.

Mohamed Goumani était venu prendre le pouls avant d’être éjecté des lieux

La fuite en avant

C’est dire que le cheikh, en panne d’arguments et de thèses pour se dérober de ses responsabilités et pour échapper à une mise en écart qui risque de lui valoir de très pénibles poursuites, aujourd’hui que les rênes de la justice ne sont plus à sa portée, cherche désespérément à sauver sa peau en s’attachant à cette fuite en avant qui lui est si chère lorsqu’il se trouve dans de beaux draps.

A travers ce communiqué, le leader des nahdhaouis laisse comprendre que son parti ne va pas lâcher du lest et ne va pas baisser les bras. Il s’agit d’un message voilé de résistance qui risque de se transformer en mot d’ordre pour la désobéissance.

Le message doit être pris au sérieux par le président de la République, qui se montre, jusqu’à présent, curieusement passif envers ces semeurs de zizanie et de danger public qui ont déjà détruit le pays et qui risquent de lui faire encore plus mal. Le peuple est sorti le 25 juillet pas uniquement pour soutenir Saïed, mais pour se débarrasser de cette gangrène islamiste. Et le président, qui se dit réceptif aux aspirations de son peuple, se doit de se dépêcher à les réaliser, lui qui affiche encore une énigmatique passivité en se contentant de menaces qui ne changent rien au malheureux quotidien des Tunisiens.

K.Z.