Par : Kamel Zaiem

Au moment où le pays gît dans une crise sanitaire qui s’avère plus meurtrière que prévu, les clignotants économiques sont au rouge et laissent planer le spectre d’une faillite fatale.

L’économiste et ancien ministre des Finances, Hakim Ben Hammouda en a longuement parlé lors d’une récente intervention dans les médias et à en croire cet éminent expert, la Tunisie se dirige inéluctablement vers le même sort que connaît actuellement le Liban. Il appelle à instaurer un véritable dialogue pour s’entendre sur la manière de prendre des décisions courageuses et fortes pour véritablement maitriser ces équilibres et limiter cette dérive de la dette interne et externe.

En homme conscient du danger qui guette le pays, il appelle à opter pour des solutions plus pragmatiques et à éviter les prêt-à-penser préparés par des institutions qui ne prennent pas en considération la réalité. Je pense que la stratégie du ciblage est une stratégie dangereuse et peut mener à des tensions sociales très fortes.

Concertations ? Connais pas !

Or, ce que fait aujourd’hui le gouvernement tunisien ne semble pas aller dans le même sens. Pour aller mendier du côté du FMI, la délégation tunisienne, qui a préparé cette campagne en catimini, vient de dévoiler son programme et on peut dire que le sieur Ali Kooli, le ministre de l’Economie et des Finances et ses compagnons ont tout fait pour mettre le pays dans la gueule du loup.

En l’absence de concertations avec les compétences capables de contribuer à ce travail délicat et de dialogue avec toutes les composantes de la société civile, dont essentiellement l’UGTT et l’UTICA, ces pourparlers avec le FMI semblent sonner très bientôt le glas pour l’économie tunisienne et surtout pour la stabilité sociale du pays.

Et comme l’a rappelé cet économiste de renom, ce qui a manqué à ce gouvernement, au vu de la réaction des syndicats et en particulier de l’UGTT, c’est le manque de concertation. Le poids et les défis liés à la crise économique sont tellement importants qu’ils dépassent la capacité d’un gouvernement, assez faible pour les mettre en place. La gravité de la situation épidémiologique, économique et financière ne peut pas être réglée par la bonne volonté du gouvernement, elle ne peut être réglée que dans le cadre d’un débat, d’un dialogue national, proposé par l’UGTT et que j’ai appelé de tous mes vœux pour véritablement prendre ensemble des décisions fortes sur beaucoup de choses notamment la masse salariale, la compensation, les entreprises publiques : « On est devant une crise sans précédent, qui demande des solutions radicales, novatrices, importantes et majeures, qu’un gouvernement seul, de mon point de vue, ne peut pas prendre.

Drôle de confinement populiste

Et cet entêtement à tout faire sans concertation préalable a également touché la gestion de la crise sanitaire. Le gouvernement Mechichi, dans un élan purement populiste, vient de décréter un « congé payé » de 10 jours pour ses fonctionnaires. On peut comprendre la fermeture des cafés, des mosquées et autres lieux de loisirs, réduire les déplacements entre les régions, mais aller jusqu’à fermer les entreprises et réduire le secteur privé à un chômage forcé, c’est incompréhensible voire suicidaire économiquement. Et comme on a décidé d’accorder trois jours pour la mise en place de ce bizarre confinement, les Tunisiens se sont rués sur les routes, les stations de trains, de bus, de louages, des supermarchés, ce qui a fait de samedi dernier un jour d’effervescence et d’embouteillages. Et on va attendre avec toutes les frayeurs du monde ce qui va en résulter dans quinze jours dans les statistiques qui se rapportent au nombre des contaminés et des décès.

Là encore, le gouvernement a choisi de faire cavalier seul et de décider sans se concerter avec les parties impliquées telles l’UGTT et l’UTICA. Le résultat ne s’est pas fait attendre avec des régions entières à travers le pays qui ont publiquement annoncé la désobéissance civile, infligeant à l’Etat, s’il en existe un, une sacrée gifle.

Comme on le constate, le gouvernement Mechichi ne semble pas apprendre de ses erreurs et de ses errements à répétition. Et s’il tente de tout mettre sur le dos du comité scientifique de lutte contre le Covid-19, le peuple n’est pas aussi candide que ça pour penser que c’est ce comité qui a décidé l’ouverture des supermarchés pendant le confinement, rien que pour satisfaire les mafias et les lobbies qui imposent leur loi au dépend de l’intérêt général du pays.

K.Z