Recevant, hier, le rapport sur l’audit de la gestion administrative et financière de l’Instance supérieure indépendante pour les élections, le président de la République, Kais Saïed, a appelé la justice à assumer pleinement ses responsabilités pendant ce moment historique pour demander des comptes aux personnes impliquées dans les dossiers de corruption pour que le peuple tunisien puisse acquérir ses droits.

Kais Saïed a souligné que plusieurs irrégularités ont été constatées lors des dernières élections législatives et présidentielle et que certains bénéficient de financements étrangers et sollicitent les ambassades pour agir contre les intérêts du pays.

Par ailleurs, Saïed a indiqué que certaines listes électorales ont gagné des sièges au Parlement, après s’être servi de son nom, dupant ainsi les électeurs.

Le rapport de la Cour de comptes sur les résultats des contrôles du financement de la campagne électorale de la présidentielle anticipée et des législatives de 2019, publié début novembre 2020, a relevé de nombreuses irrégularités. Elles ont trait au financement de la campagne des candidats et des partis politiques, dont la non-divulgation des sources de financement, l’utilisation d’argent suspect et non déclaré dans les campagnes électorales et le non-respect des dispositions du décret-loi portant organisation des partis politiques.

La Cour des comptes a également constaté que les états financiers des candidats à la présidentielle et aux législatives n’étaient pas toujours exacts, surtout que 347 listes candidates aux élections législatives n’ont pas soumis leurs états financiers et n’ont pas respecté le principe de transparence, conformément aux dispositions de la loi électorale.

Ennahdha, Qalb Tounes et Aish Tounsi épinglés

Le rapport a épinglé les partis arrivés en tête des législatives, le mouvement Ennahdha, avec 52 sièges, et Qalb Tounes, 38 sièges, en plus de l’association «  Aish Tounsi » ( 1 siège), pour avoir utilisé  l’argent suspect venu de l’étranger  au cours de leurs campagnes respectives.

En janvier dernier, plusieurs associations de la société civile et une centaine personnalités nationales ont appelé à « une action immédiate pour mettre en œuvre les recommandations, mentionnées dans le rapport de la Cour des comptes, sur les graves violations enregistrées lors de la campagne électorale de 2019 » et à organiser des élections législatives partielles « pour remplacer les « députés illégitimes ».

Ils ont estimé, dans une lettre ouverte adressée au président de la Cour des comptes et au Procureur de la République, que ces violations constituent « des crimes électoraux », susceptibles de conduire au retrait de la qualité de député à des dizaines de parlementaires, ainsi qu’à des sanctions fixées par la loi électorale.

L’article 163 de la loi organique n° 2014-16 du 26 mai 2014, relative aux élections et référendums, stipule, en effet, que  «  sous réserve des dispositions de l’article 80, s’il est avéré pour la Cour des comptes que le candidat ou la liste de candidats a obtenu un financement étranger pour sa campagne électorale, elle l’oblige à payer une amende allant de dix fois à cinquante fois la valeur du financement étranger. Les membres de la liste ayant bénéficié du financement étranger perdent la qualité de membre de l’Assemblée des Représentants du Peuple. Le candidat aux élections présidentielles ayant bénéficié du financement étranger est puni d’une peine d’emprisonnement de cinq ans. Est interdit de se présenter aux élections législatives et présidentielles suivantes, quiconque dont la culpabilité d’avoir perçu un financement étranger pour sa campagne électorale a été établie, qu’ils soient membres de listes ou candidats ».

Vers l’autodissolution de l’ARP

Les compétences de l’Assemblée des représentants du peuple, sont pour le moment suspendus jusqu’à nouvel ordre. Le décret 117 du 22 Septembre 2021 relatif aux mesures exceptionnelles a permis au président de la République d’accaparer tous les pouvoirs entre ses mains. Il n’est, donc, pas exclu qu’il procède à l’activation du rapport de la Cour des comptes dans le volet concernant la perte de qualité de député, conformément à l’article 163 précédemment cité. La magistrature judicaire statuera sur les violations à caractère pénale.

Au total, 91 députés pourraient perdre cette qualité, en plus d’une trentaine d’autres poursuivis par la justice. Soit 121 au total. Ce qui nécessiterait soit l’organisation des élections législatives partielles pour les remplacer, ou l’autodissolution pure et simple du parlement, au cas où d’autres députés présenteraient leur démission avec un engagement de la part de leurs partis ou de leurs partis et de leurs groupes de ne pas les remplacer.