Par Soufiane Ben Farhat

  • Le Syndicat des journalistes dénonce fermement l’atteinte à la liberté de la presse
  • Le mouvement Ennahdha doit présenter des excuses formelles aux journalistes

Les vieux démons ont la peau dure. Des partisans d’Ennahdha ont agressé une centaine de journalistes lors de la manifestation organisée par le parti gouvernemental Ennahdha ce samedi 27 février à Tunis. Ils les ont vilipendés, hués et pointés du doigt. Les journalistes ont eu maille à partir avec des foules par moments déchaînées. Certaines journalistes ont même été agressées sexuellement, via attouchements et harcèlement.

Les témoignages à ce propos fusent, dont certains émanant de très hauts cadres sécuritaires. Sur les réseaux sociaux, des séides du parti islamiste justifient l’injustifiable.

Retour à la case de l’infamie

Encore une fois, on revient à la case de l’infamie. C’est que les vieux démons rappliquent. En fait, en chute libre dans les sondages des intentions de vote, Ennahdha tente pourtant de redorer un blason éculé. A preuve, sa manifestation du weekend a été une espèce de démonstration de force.

Mais le parti de la coalition gouvernementale sait pertinemment que son image est profondément entamée auprès de larges franges de l’opinion. Et pour cause. Sans nul doute, la crise économique et sociale perdure. En outre, la paupérisation sévit et rien n’est fait pour y parer. Par ailleurs, la crise entre les trois présidences au sommet de l’Etat aggrave la donne. Bien pis, cela intervient dans une conjoncture sanitaire extrêmement critique due au Covid 19. La Tunisie est au 3e rang des pays africains les plus touchés par la pandémie. Et les vaccins n’arrivent toujours pas, malgré les promesses gouvernementales.

Le bouc émissaire

Aux commandes du gouvernement depuis dix ans, Ennahdha endosse la responsabilité de cette déconfiture. En Effet, elle a perdu plus d’un million d’électeurs entre les élections du 23 octobre 2011 et celles d’octobre 2019. Le vote-sanction opère. L’image d’Ennahdha s’étiole. Par ailleurs, elle subit en premier les contrecoups de la crise de légitimité largement diffuse dans l’opinion. On observe un peu partout cette crise de légitimation. Elle est particulièrement percutante et virale en Tunisie. La classe politique l’a enfantée. Elle en subit les contrecoups.

Entretemps, au lieu de s’ausculter en profondeur, les dirigeants d’Ennahdha préfèrent camper les victimes. Tout d’abord, ils piquent tête en avant dans les thèses complotistes. Ils voient ensuite des ennemis partout. Cela frise l’obsession et l’idée fixe. Allô docteur, les partis malades ça se soigne ?

Par ailleurs, les fondamentalistes recherchent volontiers le bouc émissaire. C’est dans leurs gènes. Naturellement, ils s’en prennent aux médias. Les nahdhaouis les accusent de ternir l’image de leur parti. Pourtant, les dissensions et les désertions sont légion au sommet et parmi les bases du parti intégriste.

Le syndicat des journalistes dénonce fermement

Le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) a promptement réagi. Il a affirmé dans un communiqué publié ce dimanche 28 février qu’une centaine de journalistes avaient été agressés hier par des membres du comité d’organisation de la manif d’Ennahdha.

Le Snjt a fait valoir que les journalistes avaient été  agressés physiquement et verbalement. Il a précisé que certaines journalistes avaient été victimes d’attouchements et d’agressions sexuelles. En outre, le syndicat des journalistes a appelé le mouvement Ennahdha à présenter des excuses formelles aux journalistes. Il a également indiqué avoir mis à la disposition des victimes les moyens d’ester en justice contre les agresseurs.

Le Snjt a publié une liste des journalistes agressés

Il s’agit notamment de :

 – Zied Hosni (Shems FM)

– Rania Mehrzi (Attessia TV)

– Khaoula Boukrim (Kashf media)

– Khadija Yahyaoui (Echourouk)

– Maher Sghaier (Jawhara FM)

– Latifa Lanouer (Radio Amal)

-Rim Hasnaoui et Adem Meddeb (Express FM)

– Mohamed Tatta, Islam Hkiri, Ahmed Rezgui et Azer Mensri (photographes indépendants)

– Jihene Alouene (Radio nationale)

– Maroua Hamat (Iram)

– Yassine Gaidi et Arbi Mahjoubi (Anadolu)

– Aymen Okbi, Saber Ayari et Sami Guirat (journalistes Indépendants)

-Khalil Ameri (Mosaïque FM)

-Zouhour Habib (Radio Sfax)

Une photographe du journal Essahafa a également été agressée.

Hélas, en 2021, on en est encore aux vieux démons de 2011-2013.

S.B.F