Par : Kamel Zaiem

Il est vraiment mystérieux ce Kaïs Saïed. A l’heure où tout un chacun s’est mis à s’amuser avec les noms susceptibles de succéder à Hichem Mechichi à La Kasbah, le président de la République a pris tout son monde de court en faisant appel à une compétence féminine, Nejla Bouden, que personne ne voyait arriver.

Une première arabe

Sur sa lancée de bouleverser tout ce qui a précédé le 25 juillet, Saïed vient de nous annoncer une première, pas uniquement en Tunisie mais également dans le monde arabe, avec une femme cheffe de gouvernement.

En ces temps de mesures exceptionnelles, même le choix du chef du gouvernement s’avère également exceptionnel et cohérent avec la vision, quoique toujours discutable, du Chef de l’Etat.

Pour les opposants de Kaïs Saïed et son coup, constitutionnel pour les uns et illégal pour les autres, cette nomination risque de basculer nettement en faveur du Président pour diverses raisons.

Primo, et comme il l’a promis, il vient de mettre fin à un vide devenu de plus en plus inquiétant. Avec la désignation de la future cheffe du gouvernement, on va finalement découvrir les membres de l’équipe qui accompagnera Mme Bouden dans une étape cruciale pour l’avenir du pays et sa remise sur orbite.

Une brise féminine va envahir le palais de La Kasbah

Secundo, le fait d’avoir eu recours à une femme ne doit que satisfaire les Tunisiens, les vrais, toujours fidèles aux valeurs sacrées de leur pays, dont cette identité moderniste, ouverte et tolérante qui a vu la gente féminine exprimer tout son savoir-faire dans tous les domaines et les secteurs.

Tertio, avec cette nomination féminine que certains pays européens n’ont jamais vécue malgré leur évidente avance dans le domaine de l’égalité entre hommes et femmes, l’Europe et les Etats-Unis ne peuvent que saluer cette initiative et faire de sorte à l’encourager et à l’aider à réussir malgré les quelques reproches de son patron au palais de Carthage qui venait de mettre hors d’état de nuire le Parlement et ses partis politiques mafieux qui ont régné pendant dix ans pour piller le pays et le détruire.

Au royaume des recherches

C’est dire que Saïed a frappé d’une seule pierre plusieurs coups à la fois, même si le plus dur ne fait que commencer maintenant.

A présent, il va compter sur la compétence de cette femme au profil élogieux. Il s’agit d’une professeure de géologie formée à l’ENIT, ingénieure et titulaire d’un doctorat en géologie à Paris et d’un master dans le domaine de l’exploration pétrolière. Sa carte de visite est assez impressionnante avec, en outre, une bonne expérience dans l’administration tunisienne, notamment dans la recherche scientifique.

A La Kasbah, elle aura à plonger dans d’autres recherches, moins académiques et plus compliquées, mais sa mission dépendra en premier lieu du rôle qui sera confié au chef du gouvernement car, qu’on le veuille ou pas, la visibilité n’est pas le fort de Saïed qui demeure très discret sur sa future vision des choses et surtout sur le système de gouvernance qu’il compte mettre en place.

Nous savons d’avance que Mme Bouden ne va pas consulter les partis politiques avant d’annoncer sa formation finale. C’est son patron qui n’en veut pas, lui qui vomit le système politique d’usage depuis de longues années, y compris celui de l’avant 2011.

Figuration ou action ?

Cette dame va-t-elle faire de la pure figuration à La Kasbah ? Sera-t-elle dotée d’un pouvoir de décision, aussi minime soit-il ?

A priori, elle doit porter ou, du moins, adhérer aux visions du président de la République pour avoir accepté sa proposition et assumé une lourde responsabilité en ces temps incertains et menaçants.

Nous aurons à attendre encore quelques jours ou quelques semaines pour pouvoir mieux juger et voir plus clair.

Entre temps, nous allons suivre et découvrir avec curiosité les réactions des partis politiques, tous mis en veilleuse depuis le 25 juillet.

Ceux qui crient au coup d’Etat ne vont sûrement pas apprécier. Ils souhaitaient voir Saïed entretenir le suspense et le brouillard encore longtemps pour trouver des raisons de contestation et d’appel au retour à l’avant 25 juillet 2021. A présent, ils vont devoir revoir leurs plans et se remettre encore plus en cause pour pouvoir inquiéter un Président de plus en plus sûr de lui et de son œuvre.

Avec Moussi et Abbou, Bouden aura de la bonne compagnie !

Du spectacle en vue

Pour d’autres, habitués à porter l’habit et les couleurs du vainqueur, ils vont tenter de s’accrocher au wagon de Carthage pour rebondir et se maintenir sur la scène politique avec tous les « sacrifices » qu’ils vont avoir à concéder.

Enfin, pour les amateurs du spectacle et des duels, la prochaine étape risque d’être riche en « chocs » en présence de trois femmes très présentes sur le ring politique : Mme Bouden qui vient d’être qualifiée à ce super play-off, Abir Moussi, la cheffe du PDL et la grande lauréate des sondages d’opinions ainsi que Samia Abbou, la députée gelée du Courant démocratique qui aura, comme toujours, son mot à dire.

Du beau spectacle en perspective…

K.Z.