Devant le silence intrigant des autorités tunisiennes sur l’affaire de l’activiste algérien Slimane Bouhafs qui aurait été livré à Alger le 25 Août courant, 34  organisations nationales, dont notamment la Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme, le Forum tunisien des droits économiques et sociaux et le Syndicat National des Journalistes Tunisiens, ont  estimé que la Tunisie a « violé encore une fois ses obligations internationales sur la protection des réfugiés ».

Elles ont rappelé, dans un communiqué rendu public, que Bouhafs, qui se trouvait en Tunisie, avait disparu dans « des circonstances mystérieuses ». Selon le communiqué, « des témoins oculaires ont rapporté que des voitures avec des plaques d’immatriculation inconnues sont arrivées, le 25 août à son domicile et l’ont emmené vers une destination inconnue ».

Le communiqué précise que « Slimane Bouhafs est venu en Tunisie, où le Haut-Commissariat aux Réfugiés lui a accordé le statut de réfugié sous le numéro 255-15C0059, valable jusqu’en septembre 2022 ».

Les organisations signataires ont, également, fait part de leur « indignation » devant ce qu’elles considèrent « le dangereux précédent créé par l’Etat tunisien », suite à l’extradition du réfugié qui, pourtant, bénéficie « d’une protection internationale aux autorités de son pays, qui le poursuivent sur ses positions politiques ».

Elles ont appelé l’Etat tunisien à « respecter ses engagements internationaux dans cette circonstance délicate et à assurer la protection des droits humains et des droits des réfugiés ».

« Les liens avec les pays amis ne doivent pas être établis aux dépens du respect des engagements internationaux qui protègent les droits des réfugiés et prévoient le principe de non-refoulement », ont-elles précisé.

Qui est Slimane Bouhafs?

Slimane Bouhafs, est un algérien de confession chrétienne, aujourd’hui âgé de 53 ans. Il est  président de la coordination de Saint-Augustin des chrétiens en Algérie et militant pour l’autonomie de la Kabylie où il est né.  Il a été condamné en 2016 par un tribunal algérien à trois ans de prison ferme pour des publications sur Facebook «portant atteinte à l’islam et au prophète Mohammed».

Après sa libération il est entré légalement en Tunisie où il a bénéficié de la protection du Haut-Commissariat aux Réfugiés qui lui a accordé le statut de réfugié.

Les autorités algériennes l’accusent d’être en contact avec Ferhat Mehenni, le président du Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK), contre qui elles sont lancé, le 26 août, un mandat d’arrêt international. Ce mouvement, créé en juin 2001 et basé à Paris, vient d’être classé, en mai 2021, comme « organisation terroriste » par les autorités algériennes qui l’accusent de planifier des actes terroristes et d’être derrière les incendies des forêts qui ont ravagé le nord et du meurtre atroce du citoyen Djamel Bensmaïl, tué par une foule hystérique.

Elle est, également, soupçonnée de recevoir des fonds du Maroc que l’Algérie accuse de soutenir cette organisation et « d’être mêlé à ses visées malveillantes ». D’ailleurs, c’est l’une des raisons qui ont poussé Alger à rompre les relations diplomatiques avec son voisin.

C’est pourquoi les autorités tunisiennes doivent dévoiler les dessous de cette affaire qui risque d’écorner l’image d’une jeune démocratie, soucieuse de respecter les droits humains.  

La Tunisie, doit-on le rappeler, a signé la Convention de Genève de 1951 et son Protocole de 1967 et la Convention de 1984 contre la torture, qui impose de ne pas « renvoyer une personne sous la contrainte.