Par : Kamel Zaiem

Il s’agit, malheureusement, d’une évidence. Trois mois après le coup constitutionnel du 25 juillet, la Tunisie n’arrive pas encore à décoller ni à définir son futur chemin.

Le Parlement a été gelé et la décision a été globalement bien accueillie par les citoyens qui y voyaient la source du mal, mais la suite nous laisse sur notre faim avec un président de la République toujours aussi hésitant et surtout aussi excité au point de nous ressasser les mêmes phrases, les mêmes menaces et les mêmes formules obscures et vagues qui suscitent bien d’interrogations.

Pourquoi tourner autour du pot ?

Aujourd’hui, c’est à de l’action que le bon peuple s’attend. Or, à part l’annonce de la formation d’un nouveau gouvernement, rien de concret n’a été décelé dans le travail du Président et de sa nouvelle équipe gouvernementale.

Au Bardo, les députés sont au chômage technique, mais ils sont traités comme s’ils viennent d’être licenciés. Pis encore, on s’entête à les mettre, tous, dans le même sac, ce qui fait l’affaire de quelques bandits parlementaires, à l’instar de Seifeddine Makhlouf, qui se meut, à qui veut bien l’entendre, en victime de la dictature présidentielle.

Et il ne suffit pas de venir au secours de deux députés pour leur assurer des soins onéreux pour prétendre traiter comme il faut avec ces parlementaires.

A notre connaissance, Kaïs Saïed a promis de lutter, en premier lieu, contre la corruption, surtout celle prônée par le Parlement et les partis politiques. Or, jusqu’à présent, nous n’entendons parler que de procès contre quelques hommes d’affaires, alors que les véritables barons de la corruption, et tout le monde les connaît, demeurent intouchables et les quelques arrestations (Makhlouf, Yassine Ayari…) le sont pour d’autres délits que la corruption.

Le peuple s’attend à la concrétisation des promesses

Priorité aux attentes de tout un peuple

Or, s’il a choisi d’opter pour un discours populiste plus que politique et pragmatique, Saïed doit également accorder la priorité aux véritables préoccupations de ceux qui lui ont donné leurs voix. Aujourd’hui, il suffit de faire un tour dans les marchés et les grandes surfaces pour constater les hausses vertigineuses des prix, surtout après le 25 juillet. C’est comme si ceux qui se tiennent derrière ce déséquilibre que connaît le pouvoir d’achat du citoyen défient directement le président de la République et lui font comprendre qu’ils sont au dessus de la loi sans qu’il puisse les faire trembler.

Les Tunisiens ont élu en masse Kaïs Saïed pour qu’il puisse leur rendre justice à tous les niveaux.

Ils ne l’ont pas fait pour qu’ile se trouvent divisés entre le 17 décembre 2010 et le 14 janvier 2011.

Ils ne l’ont pas fait pour qu’il dédie la plupart de ses discours à la chasse des fantômes alors que les ennemis du peuple, du pays et de sa souveraineté sont bien là, face à nous, sans qu’il daigne les viser directement.

Ils ne l’ont pas fait pour qu’il nous énumère à chaque fois des chiffres qui servent beaucoup plus aux risées sur les réseaux sociaux que d‘indices à fournir à la justice.

En fin de compte, ceux qui considèrent le discours de Saïed comme « une diatribe scatologique enrobée de référence religieuses superficielles qui ignorent les priorités telles que les réformes à entreprendre, le programme économique et les sacrifices à consentir pour relever le pays » ont, d’une façon ou d’une autre, raison. Les priorités se trouvent traitées comme des questions secondaires puisque l’essentiel du discours politique puise sa force de la ferveur populaire !

Dorénavant, le président de la République se doit d’aller directement au but et de mettre en exécution ses promesses. L’exploitation indécente d’un mécontentement populaire légitime pour imposer une vision personnelle, confuse, énigmatique est une manœuvre politicienne que les Tunisiens, aujourd’hui plus mûrs qu’avant, n’acceptent plus

Le Parlement est gelé, mais où est l’alternative ?

Se ressaisir au plus vite

Saïed, dont l’intégrité et la propreté sont incontestables, ne doit plus continuer à se conduire en outsider. Aujourd’hui, c’est lui qui commande et il doit se montrer digne de cette énorme responsabilité.

Il a promis de mettre hors circuit ceux qui ont gouverné lors de la dernière décennie, mais il hésite encore à toucher à Ennahdha et à ses satellites…

Il a promis de revoir le système politique, mais il semble se diriger, aujourd’hui, vers d’inconnues sources pour en discuter…

Il a promis de lutter contre la corruption, mais dans certaines de ses manœuvres, il semble se tromper d’adresse…

Il a gelé le Parlement, mais il n’arrive pas encore à trouver l’alternative qui satisfait et rassure son peuple et met fin à des hésitations qui pourraient nous réserver de mauvaises surprises…

Pour le président de la République, l’heure de vérité a sonné et il n’aura plus de droit aux balbutiements ni aux hésitations. Ses derniers discours ne sont pas tout à fait rassurants et il est grand temps de se ressaisir avant qu’il ne soit tard.

K.Z.