“L’abaissement de la note souveraine de la Tunisie de B3 à Caa1 par l’agence Moody’s, c’est le prix de l’hésitation et de manque de visibilité sur les plans politique et économique “, a souligné, jeudi, le Gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT) Marouane El Abassi, lors de la 42ème assemblée générale de la Chambre Tuniso-allemande de l’industrie et du commerce (AHK).

Abassi a indiqué que l’Institut d’émission suit de très prés l’évolution de la note du pays, affirmant que l’incapacité, jusque-là, de parvenir à un accord avec le FMI a accentué ce manque de visibilité, “bien que nous avions été proche d’un accord tout juste avant la chute du gouvernement de Fakhfakh”.

Et d’ajouter ” j’espère que les choses puissent bouger avec le nouveau gouvernement avec lequel nous sommes déjà en discussion sur un document conforme aux normes du FMI. Si nous arrivons à avoir un accord avec le FMI, le plus tôt possible, je pense que cela nous permettra de faire baisser les tensions et de revenir à une certaine normalité “.

Pour dissiper les doutes des principaux partenaires financiers, le gouverneur pense qu’il faut aussi réussir à boucler le budget 2021 et à avoir une visibilité pour 2022.

” Sur ce plan, des efforts sont en cours pour mobiliser des financements bilatéraux et j’espère qu’on arrivera à avoir ces financements qui permettront de conforter le marché et de commencer l’année 2022 sur des conditions normales “.

Le gouverneur a, également, souligné “qu’avec le FMI, la Tunisie n’est pas dans une logique d’ajustement structurel. Le fonds demande juste que les tunisiens se mettent d’accord sur un certain nombre de réformes nécessaires, déjà connues depuis un certain temps”.

La volatilité du taux de change dépendra de la capacité de rétablir le commerce extérieur

Interrogé sur les possibles évolutions du taux de change, le gouverneur a indiqué que “pour éviter une volatilité du taux de change, il faut revenir à un commerce extérieur beaucoup plus performant, basé sur la compétitivité”.

Pour ce faire, El Abassi estime qu’il faut réussir à engager des PPP réussis mais surtout à gérer plus efficacement la question logistique. Ainsi, un changement radical est plus que jamais nécessaire au niveau du port de Radès. Les délais de séjour actuels des conteneurs dans ce port sont inacceptables”.

Régime de change : Vers un “toilettage” des circulaires qui posent problème

Évoquant la question du régime de change en Tunisie, El Abassi a fait savoir que “la BCT a intégré la question du code de change et des opérations de change dans le cadre des discussions avec le FMI”.

Et de poursuivre “ce n’était pas évident pour la BCT de demander à ce que les opérations de change ou le code de change soient intégrés dans le cadre des discussions avec le FMI, avec les conditionnalités du FMI, mais nous l’avons fait et nous sommes en train d’avancer grâce à une assistance technique du Fonds monétaire. Une fois un accord est conclu avec ce Fonds, nous allons être capables d’avancer sur cette question.

Beaucoup de circulaires vont être touchés et il y aura un “toilettage” entier des circulaires qui posent problème aujourd’hui “.

“Les réformes structurelles du régime de change vont être progressivement implémentées au cours des trois prochaines années”, a-t-il encore souligné, poursuivant ” qu’aujourd’hui, les conditions macro-économiques ne permettent pas d’aborder la question de la convertibilité du dinar.

Il faut faire vraiment très attention et il faut savoir que, paradoxalement aux critiques qui nous sont souvent adressées concernant notre régime de change, l’évaluation internationale a prouvé que nous sommes en train de procéder correctement.

Le système bancaire doit être capable de remporter les challenges liés à la digitalisation

Au sujet de la compétitivité du secteur bancaire, le gouverneur a rappelé que “beaucoup a été entrepris au cours des 10 dernières années au niveau de la BCT en termes de supervision bancaire, de règles prudentielles, de lutte contre le blanchiment d’argent…

En 10 ans, les seules réformes qui ont pu être mises en place sont celles relatives au secteur financier et bancaire, mais cela a été fait avec beaucoup de retard. On aurait dû initier ces réformes, depuis plus de 20 ans”.

“Et même la restructuration des banques publiques aurait dû être faite beaucoup plus tôt et précédé par une restructuration des entreprises publiques”, souligne encore le gouverneur, estimant “qu’aujourd’hui, les banques sont “challengées”, au niveau extérieur comme intérieur, par les néo-banques, les établissements de paiement, le e-banking et elles vont devoir changer, si elles veulent rester dans la concurrence” a-t-il conclu.

TAP