Par : Kamel Zaiem

Du côté de la Banque Centrale, Marouane Abassi, le gouverneur, peut avoir la conscience tranquille. La BCT vient de publier son communiqué, mercredi, et, à priori, il était loin de nous gratifier de langue de bois.

A travers ce communiqué, la Banque centrale vient de tirer la sonnette d’alarme sur la situation économique désastreuse en Tunisie et les lendemains catastrophiques qui nous attendent.

Un alarmant état des lieux

Et il suffit de parcourir le contenu de ce rapport pour mieux situer et définir une amère mais réelle situation. Comme on dit, les chiffres sont têtus et le communiqué en question est, de loin, le plus alarmant de ces dix dernières années car, malheureusement, jamais la Tunisie n’a atteint ce seuil d’alerte avec quasiment une nulle visibilité sur l’avenir.

Tout y est passé : le désolant tarissement aigu des ressources financières extérieures, la détérioration de la notation souveraine du pays, les hauts risques du financement monétaire, l’état de plus en plus inquiétant des réserves en devises et la gestion du taux de change du dinar, la dégradation des finances publiques et les effets menaçants de  la hausse de plus en plus forte des cours internationaux du pétrole,  ainsi que les effets négatifs de l’accroissement de l’endettement du secteur public auprès du système bancaire sur sa capacité à financer les opérateurs économiques.

Rien ne se fera sans gouvernement et feuille de route

Le Conseil de la BCT souligne, à travers ce communiqué la nécessité d’accélérer la transmission des signaux clairs aux investisseurs locaux et étrangers quant au rétablissement du rythme de l’activité économique et des équilibres globaux et financiers, la consolidation de la gouvernance du secteur public, l’amélioration du climat des affaires et l’intensification des efforts d’investissement.

Or, pour y arriver, le pays n’a d’autres choix, pour commencer, que de se munir d’un gouvernement stable et solide, soigneusement constitué en fonction du contexte actuel, et surtout d’une feuille de route accompagnée d’un plan d’action à court et à moyen terme pour pallier à un manque de visibilité qui fait beaucoup de mal à l’économie du pays.

Les craintes demeurent vives

Certes, la rencontre du lendemain, jeudi, entre Kaïs Saïed, le président de la République et le gouverneur de la BCT était plus rassurante, se terminant sur une note plus optimiste malgré la gravité de la situation, mais les craintes demeurent vives tant que presque tous les voyants sont au rouge. Abassi a évoqué un intérêt présidentiel particulier aux relations de la Tunisie avec ses partenaires financiers, notamment la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) mais, à priori, le pays n’est pas encore sorti de l’auberge et un certain brouillard demeure de mise en l’absence de ce fameux gouvernement dont la présence peut au moins servir à entrevoir un début de prise de conscience de la nécessité d’agir en urgence après deux longs mois de tergiversations.

Cette rencontre, de par son importance, ne manquera pas d’entretenir l’espoir chez des citoyens de plus en plus envahis par le doute. Au palais de Carthage, on entend, pour la première fois, quelqu’un évoquer les projets des lois de finance en suspens. Abassi a révélé que la BCT travaillait au quotidien avec le ministère des Finances afin de finaliser le projet de la loi de finances complémentaire pour l’année 2021 et le projet de la loi de finances pour l’année 2022. De quoi laisser une fenêtre ouverte à l’espoir, celui de voir le futur gouvernement gagner du temps et entrer sans attendre dans le vif du sujet.

Pour une plus large concertation

Kaïs Saïed, accusé à tort ou à raison de vouloir garder en main tous les pouvoirs, n’a pas de baguette magique pour trouver des solutions à tous les maux du pays. C’est pourquoi il doit s’entourer des meilleures compétences locales dans tous les domaines, particulièrement l’économie et les finances, prendre en considération leurs suggestions et leurs propositions et collaborer avec les composantes de la société civile et, pourquoi pas, les partis politiques qui n’ont jamais porté atteinte à leur pays.

Le temps presse et l’heure est à l’action. Le nouveau gouvernement est annoncé, d’après des sources proches du palais présidentiel, pour les prochaines heures. De par sa composition, nous aurons une première idée sur ce qui nous attend, mais ce sont les prérogatives de la future cheffe du gouvernement qui révéleront beaucoup plus les desseins du Président. Pour l’heure, c’est le flou quasi total à ce propos, mais le sort de tout ce qui sera entrepris y sera directement lié. Saïed continue, pour le moment, à cacher son jeu. Il s’agit d’une tactique à double tranchant car le peuple veut, avant tout, des actions concrètes et rapides après deux mois d’inutiles chamailleries et de vaines tentatives de repositionnement.

K.Z.