Tunisian protesters block a street during clashes with security forces in the Ettadhamen city suburb on the northwestwern outskirts of Tunis on January 18, 2021, amidst a wave of nightly protests in the North African country. - The social unrest comes at a time of economic crisis, worsened by the pandemic, that has sparked rapid inflation and high youth unemployment and led many people to leave Tunisia. (Photo by FETHI BELAID / AFP)

Par Soufiane Ben Farhat

Si prompts à revendiquer l’exclusivité du pouvoir quasi-absolu, nos responsables politiques se dérobent face aux conséquences qu’il induit. Témoin, les derniers événements particulièrement tragiques et violents à Sidi Hassine.

Contrairement au Liban, où le confessionalisme est institutionnel, nous avons chez nous des sectaires sans pour autant avoir des sectes, castes ou confessions. En effet, l’Etat est chez nous segmenté entre des ayatollahs et des patriarches qui n’en ont ni l’air ni le statut.

En fait, les émeutes de Sidi Hassine ont mis à nu les derniers lambeaux du pouvoir inconsistant et chancelant. Partout sévissent la pauvreté, le chômage, les exclusions. Les coups de grisou et les flambées de colère sont devenus monnaie courante. La situation sanitaire empire au fil des jours, plus particulièrement dans la Tunisie profonde. Le kairouanais, la région de Kasserine et les gouvernorat du Nord-Ouest sont ravagés par la pandémie. L’Etat y est particulièrement défaillant, les structures sanitaires croulantes. On y attrape le maudit virus à cause notamment du laisser-aller et du laxisme des autorités tout au long des derniers mois. La mort fauche des quartiers entiers, dans l’impuissance générale.

A Kairouan, le personnel médical est débordé

Exaspération sociale

Pourtant, les citoyens ne sont guère au bout de leurs peines. Le renchérissement subit et incontrôlé des prix des denrées alimentaires et des services de base a tôt fait de mettre les nerfs du commun des Tunisiens à vif. En vérité, désespérée et en perte de repères, la jeunesse désœuvrée et exsangue exprime son marasme. Non sans violences par moments. Tel fut le cas à Sidi Hassine. La mort douteuse d’un jeune dans les locaux de la police a redoublé les ardeurs. Puis ce furent les tortures subies par un autre jeune protestataire, dénudé et tabassé au vu de tous. Une scène particulièrement douloureuse qui a contribué à jeter davantage de l’huile sur le feu. En fait, le déni initial des autorités a ravivé les braises ardentes. L’argument cache-misère des officiels a littéralement estomaqué les Tunisiens.

Dérobades

Paradoxalement, ceux qui se querellaient pour savoir qui est le chef suprême de la police se sont brusquement désistés. M. Hichem Mechichi, chef du gouvernement, en même temps ministre de l’Intérieur, a brillé par son absence, ses hésitations et son inconsistance. En effet, il ne fut guère prompt à traiter la question énergiquement et comme il se doit. Quant à M. Kaïs Saïed, président de la République, il s’est contenté de déclarations générales et, encore une fois, tissées de verbiage oiseux et mal à propos. Les parlementaires n’ont guère fait mieux. Pourtant, certains d’entre eux s’étaient avisés il y a peu de confectionner un projet de loi en vue de contrôler directement la police.

Trois « présidences » qui passent le plus clair de leur temps à se chamailler

Du coup, on a revu, à son corps défendant, le navrant gouffre qui sépare la Tunisie réelle de la Tunisie officielle. Plus question de revendiquer l’exclusivité du contrôle de la police. En revanche, on se débine à qui mieux-mieux.

Atmosphère viciée

A bien y voir, à force d’être revendiquée par chacun en tant que chasse gardée, l’autorité de l’Etat est devenue déliquescente. A telle enseigne qu’on peut apparenter l’Etat tunisien à un Etat défaillant (failed State). Cela est patent, qu’il s’agisse de la lutte contre le coronavirus, de la hausse des prix et de la relance de l’économie en panne ou du traitement des flambées de violences. Partout, c’est le même topo. Malheureusement, le constat est amer et sans appel, l’Etat est aux abonnés absents.

Lesdites « trois présidences » brillent par leur inconsistance et par leurs déclarations récurrentes à l’emporte-pièce. Sacré La Fontaine. Ne faut-il que délibérer, la cour en conseillers foisonne ; est-il besoin d’exécuter, l’on ne rencontre plus personne.

Finalement, l’atmosphère politique nourrie de préventions et plus viciée que jamais sévit. Quant aux violences, elles s’expriment aussi par la hausse vertigineuse de la criminalité, auprès de la jeunesse désœuvrée et déclassée surtout. C’est à dire dans les quartiers dits chauds des périphéries urbaines hideuses. Autant de témoignages de l’échec général de la politique et de ses dimensions sociales.

Autant dire également un témoignage d’indigence de la politique politicienne sur fond de délires et d’envolées lyriques révolutionnaires aberrants.

S.B.F