Par Soufiane Ben Farhat

Ça y est, nous y sommes. Désormais, les enjeux principaux de la Tunisie se décident ailleurs. En effet, le Fonds monétaire international tient l’économie et la politique tunisiennes sous sa chape de plomb. Autant dire d’une main de fer.

Le gouvernement de Hichem Mechichi acquiesce sans broncher. En fait, son seul souci c’est de perdurer, quel qu’en soit le prix. Une récente missive de Mme Kristalina Georgieva, Directrice-Générale du FMI à M. Hichem Mechichi, chef du gouvernement, a révélé ce qui a été longtemps tenu en sourdine.

Platitude servile

En effet, cette lettre intervenait en réponse à une lettre similaire adressée par Hichem Mechichi à Kristalina Georgieva en 2021. En somme, une illustration de la platitude servile du gouvernement à l’endroit des pontes du FMI.  Cela s’est traduit par une espèce de satisfecit pondéré de la Directrice-Générale à l’égard de la déclaration d’intentions du gouvernement tunisien.

En fait, pour ce dernier, ce qui importe le plus c’est de suivre scrupuleusement les injonctions du FMI. A savoir, garantir la soutenabilité de la dette tunisienne, réduire la masse salariale, lever à brève échéance les subventions des produits de base et privatiser les entreprises publiques.

Chemin de croix

Autant dire un véritable chemin de croix pour le citoyen lambda. En effet, toutes ces décisions, traduites socialement, constituent un surplus de peines et de privations pour le citoyen tunisien. Ce dernier souffre déjà des affres d’une gestion catastrophique de l’économie nationale. En effet, elle est synonyme de chômage massif, de paupérisation galopante et accrue, de renchérissement faramineux des prix. C’est synonyme, bien évidemment, de la chute vertigineuse du pouvoir d’achat.

Les produits de base ne seront plus subventionnés

Surendetté, paupérisé, exsangue, le Tunisien subit de surcroît les contrecoups de la troisième vague du Covid 19. Cette dernière est particulièrement ravageuse et meurtrière. Les pouvoirs publics y font montre d’un amateurisme et d’un laisser-aller navrants et tragiques. Comme ils ne peuvent accompagner le confinement de mesures sociales et compensatrices, ils laissent la situation pourrir. Cela se traduit par l’existence, en Tunisie, du taux de morts du Covid le plus élevé au monde, devant l’Inde.

Contrecoups sociaux

En vérité, le FMI s’est ingénié à imposer à la Tunisie un véritable traitement de choc. Depuis 2013, il distille ses conditions drastiques à l’octroi progressif de prêts conditionnés et au compte-gouttes. La dernière tranche du dernier prêt a été carrément suspendue. Motif, l’Etat n’a pas réalisé les exigences du Fonds. Depuis, les responsables tunisiens, qui n’arrivent pas à boucler le budget de l’Etat de près du tiers, redoublent de courbettes devant les bailleurs de fonds.

Pourtant, les trois principales mesures réclamées à cor et à cri par le FMI (parmi neuf mesures) sont par essence impopulaires. Qu’il s’agisse de la levée des subventions des produits de base, de la réduction de la masse salariale ou de la privatisation des entreprises publiques, tous les chemins mènent à la case paupérisation irrémédiable et accrue. Naturellement, cela n’est guère sans conséquences sociales coûteuses voire même explosives, à l’instar de la levée de boucliers généralisée du mois de janvier dernier.

Des explosions sociales sont à craindre

Faire avaler la pilule

Désormais, le gouvernement s’adonne à des exercices de contorsionniste. On ne parle plus de compensation, mais de subventions. Et celles-ci sont évoquées comme autant de largesses anachroniques. On les assimile tout bonnement, et insidieusement, à de l’argent jeté par la fenêtre. Pourtant, c’était, dès le départ, l’objet d’un contrat social. Elles étaient le corollaire du maintien de salaires bas et compétitifs afin d’attirer les capitaux et les investissements directs étrangers.

Certes, il y a des abus en la matière, les compensations profitant entre autres à des personnes qui n’en ont guère besoin. Toutefois, en manque flagrant de pédagogie et de projets alternatifs, le gouvernement s’ingénie à céder aux injonctions du FMI et à faire avaler la pilule comme s’il s’agissait d’une évidence incontournable.

Circulez y a rien à voir

En fait, le gouvernement Mechichi n’arrive toujours pas à trouver les quelques 17 milliards de dinars manquants à l’appel. Pis, il fait du surplace et veut faire payer aux citoyens la facture salée du FMI. En plus de la pression fiscale, il n’a cure de la bourse du citoyen moyen profondément entamée par les effets pervers de la pandémie du Covid 19 depuis une année et demie environ.

Seule parade, le discours en trompe-l’œil. Et le flou qui alimente les loups. « Le scandale, disait Bernanos, n’est pas de dire la vérité, c’est de ne pas la dire tout entière, d’y introduire un mensonge par omission qui la laisse intacte au dehors, mais lui ronge, ainsi qu’un cancer, le cœur et les entrailles ».

Au FMI et dans les milieux d’affaires, on se frotte les mains. Le citoyen moyen, lui, n’arrive même pas à panser ses plaies. Et Dieu sait s’il en a.

S.B.F