Par : Kamel Zaiem

La journée du 25 juillet 2021 restera dans les mémoires des Tunisiens. On s’y attendait depuis un bon bout de temps et Kaïs Saïed a attendu le moment propice pour mettre en exécution son plan pour sauver le pays. Il a également choisi une date symbolique pour passer à l’action alors que la Tunisie célèbre le 64è anniversaire de la proclamation de la République.

A l’issue d’une réunion d’extrême urgence avec les hautes instances de l’Armée et des forces sécuritaires, Kaïs Saïed a finalement osé mettre en exécution l’Article 80 de la Constitution. En ce soir du 25 juillet, le président de la République est passé à l’offensive en annonçant le gel des activités du Parlement, le limogeage  du chef du gouvernement Hichem Mechichi et la prise en main de le pouvoir exécutif, après une journée très chaude de manifestations contre le pouvoir en place, particulièrement le Parlement dominé par les islamistes d’Ennahdha et le gouvernement présidé par un Mechichi vite devenu l’allié et le valet des nahdhaouis.

Une solution intermédiaire

Saïed a réitéré son attachement à la Constitution : « La Constitution ne permet pas la dissolution du Parlement mais elle n’interdit pas le gel de ses activités », a-t-il déclaré, s’appuyant sur l’article 80 qui permet ce type de mesure en cas de « péril imminent », ce qui est le cas pour la Tunisie, de plus en plus noyée dans des crises politique, économique, sociale et sanitaire.

Kaïs Saïed a annoncé qu’il se chargeait du pouvoir exécutif, avec « l’aide du gouvernement » qui sera dirigé par un nouveau chef désigné par le président de la République. Il a en outre annoncé lever l’immunité parlementaire des députés et insisté sur l’application de la loi pour traduire devant la justice tous ceux qui ont enfreint les lois en vigueur.

Scènes de liesse

L’annonce faite par le président de la République a été immédiatement suivie de manifestations de soutien et des scènes de liesse dans plusieurs régions, notamment la capitale où les klaxons et les messages de soutien à Saïed ont brisé le couvre-feu nocturne. Dans certaines régions, les locaux d’Ennahdha ont été saccagés, notamment à Béja.

Il s’agit, sûrement, d’une tournure cruciale pour l’avenir du pays avec un président de la République résolu, enfin, à prendre le taureau par les cornes et à affronter directement ses adversaires qui ont tout fait pour le neutraliser. Ces derniers temps, on a souvent évoqué des tentatives d’assassinat qui visaient Saïed et il en a lui-même parlé. Usant de patience et de pertinence, il a su choisir le bon moment pour frapper ce coup magistral qui pourrait mettre fin, définitivement, à l’hégémonie d’Ennahdha.

Les premières réactions à ces décisions présidentielles n’ont également pas surpris. Du côté d’Ennahdha, on accuse Saïed d’avoir monté un coup d’Etat anti-constitutionnel pour se débarrasser des islamistes. Amateurs de la fuite en avant, les nahdhaouis usent encore du même discours en attendant leurs réactions officielles qui ne vont pas tarder.

Pour sa part, Hichem Mechichi n’a pas donné signe de vie et sa réaction se fait attendre.

Le bout du tunnel ?

Du côté des autres partis politiques, y compris ceux de l’opposition, on préfère patienter pour mieux voir. Eux aussi, ils semblent avoir été pris de court par ces décisions présidentielles alors que des signes annonciateurs ont fait leur apparition ces derniers jours, notamment avec la polémique sur l’état de santé du cheikh Rached Ghannouchi qui demeure concerné, selon des sources proches de la Présidence de la République, par une interdiction de quitter le territoire tunisien. Une décision qui vise le président d’Ennahdha et 64 autres députés  qui ont des affaires judiciaires à leur encontre en cours.

Serait-ce le bout du tunnel pour la Tunisie, demeurée toute une décennie otage d’une classe politique infectée par les virus de la corruption, de l’opportunisme et de l’indifférence ? Pour un peuple qui ne fait que subir et souffrir, il s’agit d’une véritable bouffée d’oxygène en ces moments difficiles où même ce fameux oxygène manque aux hôpitaux et cause plus de dégâts.

Les Tunisiens, réveillés ce dimanche sur une magnifique surprise offerte par le nageur Ayoub Hafnaoui, détenteur de la médaille d’or aux JO de Tokyo, ont eu droit à une autre bonne nouvelle la nuit. Le régime présidentiel, avec ses bonnes et moins bonnes composantes, est très probablement de retour…

K.Z.