Quelques décisions judiciaires relatives à la consommation des stupéfiants en Tunisie ont défrayé récemment la chronique. Des jeunes ont écopé d’une lourde peine de 30 ans de prison pour avoir fumé du cannabis ! Les maux sociaux s’accumulent au fil des jours. Dans l’indifférence générale, hélas. Il suffit d’un simple clic pour ouvrir la boîte de Pandore émaillée de troubles infinis. Or, l’Etat semble choisir les mauvais ressorts pour réorganiser certains secteurs. Cela va du système carcéral aux programmes scolaires. Tout porte à croire que les approches structurelles du gouvernement sont déficientes, défaillantes et infondées. 

Mais de quoi parle-t-on au juste ?

Ce qui s’est passé dernièrement au gouvernorat du Kef en est un navrant témoignage. En effet, trois jeunes ont été condamnés par le tribunal de Première instance à 30 ans de prison ferme pour consommation et détention de stupéfiants dans un lieu public. L’information a profondément choqué la société civile, des universitaires comme Olfa Youssef et des personnalités politiques tels que Hichem Ben Ahmed ou Zied Ghanney. 

Certains se demandent : pourquoi y a-t-il autant de vacarme autour de ces trois jeunes ?

Ceux qui connaissent la loi controversée sur les stupéfiants, dite Loi 52, peuvent aisément y répondre.

La Loi 52 dites-vous ?

Adoptée en 1992, la loi 52 punit les consommateurs du cannabis d’un an de prison assorti d’une amende allant jusqu’à 1.000 dinars. Le vendre, le transporter ou le cultiver est formellement passible de 6 à 25 ans de prison, le coupable écopant en sus entre 5.000 et 100.000 dinars d’amende.

Répercussions

Parmi les conséquences néfastes de la loi 52, on peut citer la surpopulation carcérale. Un mal endémique auquel les gouvernements successifs n’ont pas pu faire face depuis des lustres. Et pour cause, pas moins de 30% des prisonniers sont condamnés en vertu de la loi 52. Les détenus végètent dans des conditions inhumaines et dégradantes dans les prisons surpeuplées de plus 150 % de leur capacité d’accueil. Aspirant à camper le rôle des parents sévères, l’État est largement perdant, moralement et matériellement, un seul prisonnier coûtant 35 dinars par jour au titre des frais d’incarcération.

En parallèle, les contrebandiers se sucrent et s’enrichissent sur le dos des victimes, les jeunes en prime. La jeunesse s’asphyxie et perd espoir à coups de condamnations iniques et non justifiées relevant d’un Etat qui ne sait pas trop quoi faire. 

Qu’en est-il sous d’autres cieux ?

A travers le globe, il existe au moins trois pays ayant déjà légalisé la consommation du cannabis dont l’Uruguay, le Canada et huit Etats aux Etats-Unis d’Amérique (le Colorado, l’Alaska, Washington, la Californie, l’Oregon, l’Arizona, le Massachaussettes et le Nevada).

D’autres pays ont eu recours à une autre approche visant la dépénalisation de la substance, telle l’Italie, le Portugal, la Suisse, la République Tchèque, l’Espagne, l’Allemagne, le Pays-Bas et la Belgique. De son côté, la Commission des stupéfiants des Nations Unies a reconnu le mercredi 2 décembre 2019 l’utilité médicale du cannabis.

C’est dire qu’il importe en Tunisie, ici et maintenant, de revoir la loi 52 et ses différentes stipulations. Mais notre gouvernement semble sourd et muet à ce propos. Et il n’est pire sourd que celui qui ne veut rien entendre.