Par : Kamel Zaiem

Le moment de vérité est arrivé pour les représentants du gouvernement tunisien qui discutent avec les responsables du FMI. La délégation tunisienne a présenté son programme d’action et il n’a pas manqué de surprendre et de nous laisser pantois…

Au début, il ne s’agissait que d’une lettre d’intention comportement quelques actions d’envergure pour convaincre le FMI. Sur place, on a eu droit à une véritable surprise avec un véritable programme détaillé des initiatives à prendre comme s’il s’agissait d’une banale formalité administrative.

D’après certains experts économiques de chez nous, le document  présenté au FMI s’apparente en effet à ce qui est appelé communément « Mémorandum de politique économique et financière (MPEF) » dans lequel le gouvernement aurait consigné tout ce qu’il compte entreprendre pour sortir de la crise socio-économique.

Un mémorandum de délire

Pour rentrer dans les détails, le gouvernement estimerait pouvoir dégager un excédent primaire du budget (différence entre ressources propres et dépenses hors principal de la dette) à partir de 2022 alors que le FMI estime pour sa part que cet excédent ne pourrait pas émerger avant 2026. Pour rappel, la loi de finances 2021 prévoit un déficit primaire du budget de l’Etat de plus de 7 milliards de dinars. S’agissant de la masse salariale, l’objectif du gouvernement  serait de la limiter à seulement 15% du PIB à partir de 2022 alors que le Fonds ne projette un tel objectif qu’au-delà de 2026. Pour cela, les mesures sont nombreuses, orientées dans le bon sens. On peut citer entre autres l’optimisation du recouvrement des créances fiscales qui permettrait d’accroître les ressources budgétaires de quelques 800 MD par an sur une période de 5 ans, ou bien l’élargissement de l’assiette fiscale en généralisant la TVA à tous les produits sur la base de 2 seuls taux (7% et 19%) parallèlement à une refonte du régime fiscal forfaitaire et à une réduction de la pression fiscale à travers d’une part l’instauration d’un impôt sur les bénéfices des société à deux taux également (10% et 15%), supprimant de la sorte le taux de 35% et d’autre part le plafonnement de l’IRPP (Impôt sur le revenu des personnes physiques) au taux de 25%. A cela, il convient d’ajouter aussi une réforme de la rémunération dans la fonction publique qui introduirait une variabilité des salaires en fonction des résultats atteints et des objectifs fixés ou encore de la réforme du système de promotion par ancienneté qui serait allongée de 2 ans au lieu de 6 mois actuellement. Le projet de transformation de certaines directions générales du ministère de l’Economie et des Finances en Agences ayant l’autonomie administrative et financière réduisant de façon conséquente la masse salariale du budget de l’Etat fait également partie des mesures envisagées. Sauf qu’aucun calendrier de réalisation n’est établi. En revanche, une date est fixée sur d’autres réformes. La levée totale de la compensation est envisagée à l’horizon de 2024. Il en serait de même du retour à l’équilibre des entreprises nationales déficitaires : 2024 aussi.

On vous laisse juger du « sérieux » d’un tel programme qui touche directement tous les Tunisiens et leur vie quotidienne. Qu’on parle de réforme dans la gestion administrative, ceci ne peut que faire du bien. Qu’on évoque la restructuration des grandes entreprises publiques actuellement en état de détresse, ça rentre dans le cadre de la remise sur pied de ces pesantes sociétés qui nécessitent une rapide intervention pour stopper l’hémorragie. Mais quand il s’agit de levée totale de la compensation et en seulement trois ans, ça ne peut être que du délire et de « mensonges » que même les experts du FMI trouvent du mal à digérer.

Comment ce gouvernement ose-t-il décider de se débarrasser totalement de la charge de compensation en un laps de temps aussi court sans avoir consulté les parties prenantes de la société civile avant d’aller se vanter de cette trouvaille auprès du FMI ?

Que compte faire ce gouvernement pour arriver réellement à réduire la masse salariale à seulement 15% du PIB ? Compte-t-on se débarrasser d’un grand nombre de fonctionnaires et comment va-t-on les dédommager ?

Des comptes à rendre

Pour arracher ce fameux crédit de 4 milliards de dollars, Mechichi et son gouvernement risquent de mettre en péril une stabilité sociale déjà précaire. D’ailleurs, les premières réactions n’ont pas tardé et on s’attend à voir l’UGTT et d’autres structures de la société civile contester âprement ce mémorandum et s’en prendre au gouvernement avec toutes les conséquences qui pourraient en découler.

Il ne fait aucun doute que, de retour à Tunis après son périple américain, la délégation chargée d’entamer des pourparlers avec le Fonds monétaire international (FMI) pour un soutien financier à son programme de réforme devra rendre des comptes non pas seulement sur la teneur des discussions avec l’institution multilatérale de financement mais sur le document-programme qu’elle a présenté en contrepartie de ce fameux prêt et qui va permettre au FMI de prendre en otage tout un pays en ces temps difficiles de pandémie et de crise économique qui frise la faillite.

En tout cas, à la lecture du programme de réformes contenu dans ce document, certains objectifs annoncés par le gouvernement laissent perplexe sinon rêveur,  concerne aussi bien les finances publiques que les réformes structurelles.

Face au constat d’une gestion chaotique du gouvernement dans sa lutte contre la pandémie du Covid-19 avec l’explosion du taux de contamination et de décès, la saturation des capacités d’accueil dans les hôpitaux, la pénurie d’oxygène et les dérapages de la campagne de vaccination, ne serait-il pas permis de mettre en doute la capacité de ce gouvernement à mettre en œuvre ces « généreuses » promesses  au FMI ?