Le feuilleton de la Cour constitutionnelle reprend et son dernier épisode, qui ne sera pas le dernier, risque de faire perdre pays beaucoup de temps…

Que la situation sanitaire se complique de jour en jour et que les hôpitaux affichent déjà complet, ça ne doit nullement nous faire peur. Ça peut attendre…

Que la campagne de vaccination avance à pas de tortue avec des centres dépassés par les événements, une application qui peine à être performante et des quantités minimes de vaccin collectées ça et là chez les plus généreux de nos pays amis ne doit pas nous inquiéter outre mesure et ça peut également attendre…

Que les caisses de l’Etat soient vides et que l’économie continue à agoniser et à nous obliger à tendre les mains vers le FMI et ses dures recommandations, ça n’a rien d’alarment et ça peut attendre…

Que nos jeunes, délaissés, marginalisés et découragés s’adonnent à la drogue et cherchent à partir clandestinement vers l’Europe avec tous les dangers qui s’y rapportent, est tout à fait normal et ce phénomène peut encore attendre…

C’est que la priorité des priorités, actuellement, n’a rien à voir avec la pandémie de plus en plus dévastatrice ni la descente aux enfers imposée par la faillite économique. La priorité absolue, pour nos gouvernants, c’est la Cour constitutionnelle. Eh oui, ça fait plus de dix ans que les équipes gouvernementales et les formations parlementaires qui se sont succédées pour gouverner le pays ont totalement tourné le dos à la mise en place de cette importante cour malgré les exigences de la Constitution. Que s’est-il donc passé pour voir les partis au pouvoir au Parlement mettre les bouchées doubles ces derniers temps pour que la Cour constitutionnelle puisse voir le jour le plus tôt possible ?

Règlement de comptes

Ennahdha, Al Karama et Qalb Tounès ne veulent plus patienter. Le danger s’appelle Kaïs Saïed, le président de la République qui a bloqué le dernier remaniement ministériel et qui s’oppose au projet de mise en place de cette fameuse Cour constitutionnelle. Et il va falloir agir pour le doubler et le laisser hors-jeu.

Au Bardo, tout s’est accéléré pour arriver à prendre de court Kaïs Saïed.Soupçonné de vouloir accélérer la mise en place de la Cour constitutionnelle pour isoler le Président de la République, le parti Ennahdha tente de calmer le jeu, affirmant qu’il n’a aucune intention d’utiliser une institution telle que la Cour Constitutionnelle pour s’en prendre au Chef de l’Etat.

Blocage en vue

Pour sa part, le chef de l’Etat a ensuite évoqué la mise en place de la Cour constitutionnelle, soulignant que « certains » tentent d’en faire un outil de règlement de comptes et affirmant qu’il ne laissera pas faire.

جلسة عامة للمصادقة على المحكمة الدستورية بتاريخ 04 ماي 2021 للمرة الثانية بعد ردّ مشرع القانون من قبل رئيس الجمهورية

Et pour confirmer cette tendance, revoilà Naoufel Saïed, le frère du président de la République, qui est, forcément, dans le secret des Dieux, qui vient annoncer, sur sa page facebook, qui devient, par moments, le porte-parole de la présidence de la République, que Kaïs Saïed ne va, certainement, pas signer le projet de loi de la cour constitutionnelle.

Au même moment, le Parlement vient d’adopter, à nouveau, mardi dernier, les amendements de la loi sur la Cour Constitutionnelle, après leur renvoi par le président de la République pour une deuxième lecture.

C’est dire que tout a été mis en place à l’ARP pour aboutir à l’adoption de cet amendement et pour mettre la pression sur Kaïs Saïed. Or, rien ne peut se faire sans l’aval do locataire du palais de Carthage et le pressing parlementaire risque de n’aboutir qu’au même résultat pour que tout demeure suspendu.

Effet de boomerang

Là encore, c’est le jeu politique qui sera déterminant, entre un président de la République qui souhaite faire plier le système politique actuel et des partis politiques de la majorité qui souhaitent en secret destituer le Président de la République.

Dès lors, il faut s’attendre à un retour à la case départ avec une Constitution, curieusement qualifiée de la meilleure au monde, qui, dans quasiment tous ses articles, ouvre les portes à toutes les lectures et les interprétations. Et ceux qui ont volontairement imposer une Constitution « à la carte », se voient aujourd’hui recevoir, en plein visage, l’effet boomerang de leur trouvaille face à un président de la République qui ne dispose pas de talent dans sa manière de communiquer, mais qui peut se vanter d’être mieux connaisseur qu’eux en matière de législation et de droit constitutionnel.

Le pays, englouti dans la misère et l’incertitude sanitaire, est condamné à manger pour plus de temps encore son pain noir, le temps de voir nos gouvernants se tourner, ce qui est fort improbable, vers les véritables maux des citoyens.

K.Z