Par : Kamel Zaiem

La bataille politique bat encore son plein, mais on voit mal les deux antagonistes faire match nul et il y aura sûrement un vainqueur et un grand vaincu.

Du côté de Carthage, l’offensive continue et le Kaïs Saïed, le président de la République, semble vouloir user de toutes ses cartes pour sortir vainqueur de cette bataille contre Ennahdha et ses alliés. Et bien que l’article 80 lui a permis de geler le Parlement et de limoger le chef du gouvernement, il semble se diriger vars une nouvelle arme, à priori beaucoup plus efficace à travers l’article 163 de la Constitution qui risque de faire du grand bruit.

Le coup de grâce

Que dit ce fameux article de la Constitution ? Il évoque la possible dissolution du Parlement en se basant sur d’autres faits que le danger imminent pour le pays comme c’est le cas pour l’article 80. Dans cette « plus belle Constitution du monde », comme le prétendent ceux qui l’ont façonnée à leur guise, l’article 163 prévoit encore le pire pour le parti islamiste et son allié Qalb Tounès.

Car, il faut le rappeler, la dissolution du parlement peut se réaliser en se référant à l’article 163 de la loi organique n° 2014-16 du 26 mai 2014, relative aux élections et aux référendums : « le candidat ou la liste de candidats ayant obtenu un financement étranger pour sa campagne électorale sont automatiquement éjectés du Parlement ».

Or, d’après le Pôle judiciaire économique et financier tel que déclaré par leur porte-parole officiel le 28 juillet 2021 et d’après le rapport de la Cour des comptes, deux partis et une association sont fortement accusés d’avoir obtenu des financements étranger ou de destination inconnue. Il s’agit d’Ennahdha, de Qalb Tounès et de 3ich Tounsi qui réunissent, à eux trois, plus de quatre-vingt députés. Ce qui veut dire que leur implication entrainerait automatiquement l’éjection de la totalité de ces députés pour aboutir, logiquement, à la dissolution automatique du Parlement.

Ejection totale

Plus encore, ce même article interdit aux partis incriminés de se présenter une nouvelle fois aux élections qui vont suivre et il s’agit, si jamais on en arrive là, d’un coup très dur pour les islamistes qui tiennent les rênes du Parlement depuis plus de dix ans et qui risquent de plier bagage et de rester dans l’anonymat.

C’est dire que la bataille pourrait être plus longue et plus décisive que prévu pour le futur du pays. Kaïs Saïed, lancé dans cette dangereuse escalade, est parti de l’article 80 qui demeure susceptible d’être interprété de plusieurs façons, selon les intérêts et les objectifs, mais la musique change pour l’article 163 qui est plus net et moins discutable.

Pour le moment, nous n’en sommes pas encore là, mais il est de plus en plus évident que du côté du palais de Carthage, les cartes gagnantes ne manquent pas. Et avec ce large soutien populaire, confirmé par le dernier sondage d’opinion qui a rapporté que 86% des Tunisiens approuvent l’offensive légale de Saïed, on peut dire que la suite a toutes les chances de favoriser le président de la République et tend à affaiblir un parti islamiste qui vient de montrer, à travers les dernières déclarations de son leader Rached Ghannouchi dans les médias étrangers, sa détermination à accroitre la tension et même à mener le pays vers un futur très complexe et périlleux.

Pour sa part, Saïed ne doit plus perdre de temps. Certes, trente jours c’est trop peu et beaucoup pour changer des choses et imposer d’autres, mais plus le changement se concrétise de manière pratique et rapide, mieux la position du président sera avantageuse.

On tient aux assurances

Jusqu’à présent, seul nouveau le ministre de l’intérieur vient d’être nommé, mais on annonce déjà la nomination du futur chef de gouvernement pour les trois jours qui viennent. Avec ces remplacements, les choses tendent à être plus réconfortantes et l’opinion publique étrangère, qui appelle à un rapide retour du processus démocratique ne trouvera pas beaucoup à redire lorsque la purge prendra fin avec l’annonce de tout un gouvernement prêt à servir le pays et non l’intérêt des partis politiques comme c’était le cas durant cette décennie.

Saïed, lui aussi, va devoir nous assurer les garanties qu’on exige de lui pour mieux le soutenir. Il en a parlé avec les journalistes du Washington Post, hier vendredi, mais il ne s’agit plus de simples promesses et il sera tenu à veiller lui-même sur tout ce qui touche à la liberté d’expression que les Tunisiens ne lâcheront plus à aucun prix, et sur le droit à une vie décente et digne. Pour y arriver, il n’a pas à le clamer haut et fort à travers les médias. Désormais, c’est à lui de prendre la télécommande en main et à faire ses preuves d’un président de la République qui mérite d’être plébiscité comme il le fut à la présidentielle de 2019.

K.Z.