Par Soufiane Ben Farhat

Ben oui, forcément. Ils s’ingénient à améliorer leur image à l’extérieur. Vainement au bout du compte. En effet, elle est à l’intérieur au plus bas depuis des semaines, et elle s’abîme au fil des jours. En fait, la situation économique et sociale pourrit au fil des heures. Le mois de Ramadan a dévoilé les lambeaux de la légitimité en chute libre des trois présidents. Qu’il s’agisse du chef de l’Etat, du chef du gouvernement ou du président du Parlement, c’est le même topo. L’impasse est la même devant les trois pseudo-dignitaires. Paradoxalement, malgré leurs tiraillements, ils logent à la même enseigne. Celle de l’inaction, de l’inconsistance doublée de phraséologies oiseuses et d’incompétence caractérisée.

Manœuvres en trompe-l’œil

Ces dernières semaines, Kaïs Saïed, Hichem Mechichi et Rached Ghannouchi s’affairent à l’étranger. Voyages, séminaires, coups de fil ostentatoirement rapportés. On vous épargne les détails. En vérité, c’est faire leur jeu que de les ressasser. Et puis ils sont tellement ennuyeux. Toutefois, même dans les artifices, ils font preuve de nullité et de faillite. En effet, moments mal choisis, plages horaires de pseudo-interventions contreproductives, mise en saillie de non-évènements…

Pourtant, la crise sanitaire du Covid 19 demeure, s’approfondit même. Et jusqu’ici, on n’a reçu que 832 mille doses de vaccins alors que nous étions supposés en recevoir six millions. Au final, un triste bilan avec seulement 1 % des Tunisiens vaccinés jusqu’ici alors qu’on nous avait promis 50 % de citoyens vaccinés avant la fin juin !

Indicateurs au rouge vif

C’est dire l’absence d’initiatives, la vanité de la diplomatie, par ailleurs inexistante, et le peu d’empressement des trois «présidents» à s’acquitter de leurs devoirs. Leurs seuls réflexes s’apparentent à celles des épouses rivales dans les ménages polygames. En effet, ils redoublent d’animosité les uns envers les autres. Ils se comportent en «dharra». Littéralement, l’autre épouse malfaisante comme la consacre étymologiquement le génie populaire.

Pourtant, le climat social se détériore à vue d’œil. Aux dernières nouvelles, le taux de chômage s’est encore dégradé lors du dernier trimestre pour s’élever à 17,4 % de la population active. Pire, il touche 23,8 % des femmes et 40,4 % des jeunes. Quant au secteur des phosphates, sa dégradation induit un déficit du taux de croissance de 3 %.

Tétanisés

D’autre part, la Tunisie n’a pas présenté́ une demande pour bénéficier du cadre commun du traitement de la dette des pays pauvres touchés par la Covid-19. En fait, c’est Franck Paris, le conseiller Afrique du président français Emmanuel Macron, qui l’a déclaré hier à l’agence TAP. Pourtant, s’agit d’un mécanisme neuf mis en place par le club de Paris et le G20. Le conseiller français précise : «Il s’agit d’un processus volontaire dans la mesure où les pays qui peuvent bénéficier de ce cadre sont ceux qui en font la demande.»

Nos «présidents», tétanisés et aveuglés par leurs luttes fratricides, n’en ont cure. Après moi, le déluge. C’est ce qu’ils se disent en leur for intérieur.

Caisses vides, salaires improbables

Soyons réalistes. Les caisses sont vides. L’Etat peine à honorer les salaires des fonctionnaires et les pensions de retraite. En fait, il emprunte à tour de bras. Sans pour autant diligenter un plan de réformes ou fut-ce de sauvetage. On quémande auprès des institutions financières étrangères.  En prime auprès du FMI moyennant ses redoutables exigences et son traitement de choc particulièrement douloureux. Du coup, les prix renchérissent vertigineusement, les compensations des produits de base se volatilisent et la masse salariale recule. Autrement dit, c’est le pouvoir d’achat des ménages qui trinque en premier. Et la paupérisation soutenue sévit.

Joutes de coqs

Franchement, cela devient à la fois tragique et pathétique. L’ego surdimensionnés des trois «présidents» tient lieu d’alpha et d’oméga. De surcroît, le troupeau des séides et fanatiques supporters joue les premiers violons dans les concerts laudateurs. Ici comme ailleurs, toute joute de coqs a ses spectateurs acquis d’avance.

Le Tunisien lambda, lui, n’a que ses yeux pour pleurer. Lâché par tous, il supporte les frais de la gestion catastrophique à ses dépens. A ses risques et périls aussi dans un jeu pervers de sommes nulles. Saura-t-il redresser la barre ? D’ici les prochaines élections, beaucoup d’eau coulera sous les ponts.

S.B.F