Par Brahim Oueslati

L’euphorie suscitée dans la soirée du 25 Juillet dernier, suite à l’annonce de l’état d’exception par le président de la République en vertu de l’article 80 de la Constitution risque de se transformer en dysphorie. Le chef de l’Etat prend tout son temps et fait durer le suspense. Il ne semble pas se soucier outre mesure des appels à plus clarté dans sa démarche. Ni gouvernement, ni feuille de route, ni mesures importantes sur le plan social et économique.  Alors que le pays s’enfonce dans une crise profonde et la rentrée s’annonce chaude.

Nul ne peut deviner les intentions du président. On ne fait que scruter ses gestes et ses attitudes pour essayer de comprendre ce qu’il veut au juste, parce qu’on sait ce qu’il ne veut pas. Il s’attaque aux autres sans les nommer.

Entre temps, sa popularité commence à s’éroder et sa cote commence à présenter des signes de faiblesse.

Toujours droit dans ses bottes, il adopte la même démarche marquée par la confusion, l’hésitation et l’incohérence. Obnubilé par le pouvoir, lui qui a accaparé tous les pouvoirs entre ses mains. Même l’information est devenue prisonnière de ses états d’âme. C’est lui qui la distille à sa manière et quand il le veut. Alors que le droit à l’information et à la communication est une condition nécessaire pour parvenir à un traitement médiatique plus équilibré et diversifié. Et un des piliers de toute démocratie qui se respecte.

Tous pourris

Sa conception des gens relève d’une catégorisation en deux groupes : les bons et les méchants. Ces derniers n’ont pas de place dans le pays, son pays à lui. Prenant à son compte cette division, il traite les Tunisiens de manière stéréotypée. Et c’est lui qui dit vrai et qui a toujours raison. Du pur solipsisme.

Selon le Monde, « l’invocation totémique du « peuple », une constante de la rhétorique de Kaïs Saïed, ne suffit plus à dissiper les craintes d’une dérive vers un pouvoir personnel.  

Sans passé politique, il est une personnalité non encartée. C’est pourquoi, il ne prend pas les politiques dans son cœur et a une aversion à l’égard des partis.  Tous pourris. Mais peut-on construire une démocratie sans partis ?

Ce qui l’intéresse le plus c’est la chasse aux corrompus et la réforme du système politique qui a prouvé ses limites. Lui, l’enseignant du droit constitutionnel se trouve dans sa zone de confort quand il parle de constitution. Il a même osé un cours devant d’éminents spécialistes de droit dont deux anciens doyens qui étaient, également, ses profs à la faculté de droit, Sadok Belaid et Mohamed Salah Ben Aissa. En l’absence de la Cour constitutionnelle, c’est à lui que revient l’interprétation des textes et qui se prononce sur leur constitutionnalité.

Le chef de l’Etat a développé devant ses anciens enseignants et son collègue Amin Mahfoudh, l’idée qu’une Constitution n’est pas immuable mais plutôt évolutive. Il a cité Habib Bourguiba qui avait déclaré au lendemain de l’adoption de la Constitution du 1er Juin 1959, que tout texte doit s’adapter à l’évolution de la société.

Lors de son déplacement, samedi dernier, à l’Avenue Habib Bourguiba, à Tunis, Kais Saied a affirmé qu’« il respecte la Constitution et qu’il travaille dans le cadre de la légitimité », mais il n’a pas exclu d’apporter des amendements au texte de la Constitution. Sans en préciser ni les contours, ni le contenu ni les modalités.

L’UGTT sera là

Certes, rien ne saurait être réglé en quelques semaines, mais sans un agenda clair qui définit les prochaines étapes, on risque de ne pas sortir de l’ornière. Mais à vouloir faire cavalier seul, Saied ne pourra pas tout régler. D’autant plus qu’on ne sait pas qui le conseille et réfléchit pour lui. Même le secrétaire général de l’UGTT Noureddine Tabboubi qu’il recevait régulièrement, avant le 25 Juillet, n’est plus en odeur de sainteté au palais de Carthage.

D’ailleurs, ce dernier est monté au créneau pour marquer ses distances en lançant à l’adresse du président de la République « Si vous essayez de vous écarter de la voie de l’Etat civil et démocratique, alors le syndicat est là, prêt et rompu aux combats ».

L’acte du 25 Juillet est un acte salvateur et il doit le demeurer. Les impatiences face à ce provisoire qui dure commencent à s’exprimer même dans les rangs des partisans du chef de l’Etat qui n’a pas le droit à l’erreur.