Par Raouf Ben Rejeb

Dans son allocution à Sidi Bouzid, où il a annoncé ses « mesures transitoires » comme dans sa « petite constitution » qui en est la traduction dans le texte, il est notable qu’à aucun moment, Kaïs Saïed n’a parlé d’élections législatives anticipées, alors que cette échéance était attendue du fait même que le Parlement vient, en vertu du décret présidentiel du 22 septembre, d’être dissous de facto.

Certes, le président de la République a annoncé son intention de proposer un projet de loi électorale qui sera promulguée, sous forme de décret-loi, mais il n’a pas dit à quelle fin et pour élire quelle instance.

Tout le monde avait compris que c’est l’Assemblée des représentants du peuple qui devrait être l’objet des prochaines élections générales. Mais il n’en est rien si on revient à l’article 22 du décret du 22 septembre dans lequel il est question des « projets de révisions relatives aux réformes politiques » envisagées à laquelle la priorité est donnée.

« Ces projets de révisions doivent avoir pour objet l’établissement d’un véritable régime démocratique dans lequel le peuple est effectivement le titulaire de la souveraineté et la source des pouvoirs qui les exerce à travers des représentants élus ou par voie de référendum. Ce régime repose sur la séparation des pouvoirs et l’équilibre réel entre eux, il consacre l’Etat de droit et garantit les droits et les libertés publiques et individuelles et la réalisation des objectifs de la révolution du 17 décembre 2010 relatifs au travail, à la liberté et à la dignité nationale » énonce l’article suscité.

La longueur inhabituelle de ce texte comme l’évocation de la révolution du 17 décembre 2010 (par opposition au 14 janvier 2011 jusque-là considéré comme la date de la révolution) ainsi que son caractère non normatif, ce qui a été noté par les spécialistes de droit, donne à croire qu’il s’agit d’un développement à caractère politique destiné à mettre en lumière le projet principal des réformes politiques envisagées.

La fameux projet de Saied!

Ces projets de révisions seront élaborés par le Président de la République avec l’assistance d’une commission dont l’organisation est fixée par décret Présidentiel. Ils seront soumis par lui au référendum pour approbation.

Il est évident dès lors que la mise en place d’une nouvelle constitution, car c’est bien le but de ces projets de révisions, précédera d’éventuelles consultations électorales quelle qu’en soit la nature.

En revanche, du moment qu’il s’agit de « réformes politiques » dont la finalité est « l’établissement d’un véritable régime démocratique », ce qui laisse à penser que le précédent ne l’était pas, il ne peut que s’agir du fameux projet politique que porte Kaïs Saïed et dont la forme consiste à aller de bas en haut, c’est-à-dire en partant du niveau local au niveau régional puis national. Ce projet dans lequel les élections ne concernent que le niveau local doit aboutir à la désignation d’une assemblée législative. A tous les niveaux la délégation de pouvoir à la personne élue peut être retirée au cas où celle-ci n’est pas à la hauteur de la responsabilité qui lui a échu. Une notion à laquelle Kaïs Saïed tient particulièrement.

Evidemment, tout cela est de la pure supputation, car le président de la République n’en a pas parlé et le texte de décret présidentiel ne l’a pas non plus prévu. Mais dans tous les cas, selon l’échéancier qui semble maintenant prévisible, le pays restera sans Parlement encore longtemps.

RBR