Par : Kamel Zaiem

Nous sommes déjà le 24 août 2021. Cela fait un mois que les Tunisiens avaient accueilli avec ferveur et sentiment de délivrance le coup constitutionnel de Kaïs Saïed, le président de la République qui a finalement osé changer le cours des choses en usant de l’article 80 de la Constitution.

Un mois, ça équivaut à la période promise par Saïed pour rétablir les choses et mettre le pays et ses fondements essentiels sur les rails.

Trop d’interrogations, peu de réponses

Aujourd’hui, après trente jours de haute lutte contre la corruption et de mise à sec des partis politiques, tous responsables des malheurs subis par la Tunisie au cours de la dernière décennie, le Président a-t-il atteint ses premiers objectifs ? A-t-il réellement mis le pays à l’abri de ceux qui lui ont fait tant de mal ? Peut-il se targuer d’avoir coupé les ponts entre les politiques irresponsables et les barons de la corruption ? Peut-on dire qu’Ennahdha, entouré par d’autres partis politiques opportunistes et sans scrupule, qui a gouverné pendant plus de dix ans et qui a contribué à semer la corruption, le terrorisme et la soumission à des forces étrangères est sur le point de quitter définitivement la scène politique ?

Les interrogations ne manquent pas et après trente jours de cette nouvelle ère post-25 juillet 2021, les réponses sont approximatives avec des confirmations d’une part et du flou de l’autre.

Entre réalité et illusion

Les Tunisiens, convaincus de la nécessité de soutenir leur président, retiennent leur souffle et croisent les doigts. Les trente jours ont pris fin et le moment est venu pour s’assurer que le 25 juillet n’était pas une simple illusion ou un éphémère rêve.

C’est que le compte à rebours a commencé et on s’attend à revoir Saïed s’adresser à ses concitoyens, dans les heures ou les jours qui viennent, pour les mettre au parfum de ce qu’il est en train d’entreprendre et de ce qu’il a fini par élaborer, y compris la nomination d’un nouveau chef de gouvernement, comme il l’a promis il y a quelques jours, et d’une nouvelle équipe ministérielle, même si la présidence de la République vient d’annoncer, lundi soir, que le président Kaïs Saïed a décidé de prolonger jusqu’à nouvel ordre, les mesures qu’il avait prises le 25 juillet, en application de l’article 80 de la Constitution, en terme de gel de l’ARP et de levée de l’immunité des députés.

Durant tout un mois, beaucoup de choses ont été faites avec plus ou moins de réussite, mais d’autres actions prioritaires ont été quelque peu ignorées ou déclassées et reportées. Pour le moment, nous demeurons encore dans une phase d’attente qui ne doit pas durer très longtemps et qui doit mettre en exergue les grandes lignes de la politique préconisée par Saïed afin de lever le voile sur ce fameux nouveau modèle de gouvernance qui permettra au pays de se débarrasser de ses chaines et de repartir de l’avant.

Sur notre faim

Il est vrai que le temps presse et que Saïed doit au moins dévoiler aux Tunisiens certaines importantes orientations politiques et économiques pour rassurer et pour fortifier davantage cette impressionnante adhésion populaire à un président qui a promis de satisfaire leurs revendications et de réaliser leurs rêves et aspirations. Il va sûrement parler à son peuple et lui rendre compte de ses actions et décisions dans tous les domaines, surtout ceux qui décident du sort et de l’avenir de ce pays.

Certes, il y a eu des arrestations, des interdictions de voyage, de nouvelles nominations à plusieurs niveaux dans les ministères régaliens. Certes, le gel  des activités du Parlement et la levée de l’immunité parlementaire ont permis de toucher aux faiseurs du mal, mais on a l’impression que toutes ces décisions nous laissent encore sur notre faim de par leur portée limitée et de leur manque de fermeté. On a eu souvent l’impression, durant tout ce mois, que l’offensive de Saïed s’opère à plus d’une vitesse et manque parfois de célérité et de fermeté.

Le moment de vérité

Les Tunisiens ont patienté tout un mois et ils n’aiment pas être déçus ou contrariés après avoir rêvé d’un pays plus propre, plus sécurisé, plus ouvert et plus protecteur des principes de liberté d’expression et de libertés individuelles.

Les Tunisiens ont patienté un mois pour voir la Constitution actuelle subir des « réglages » nécessaires qui remettront le pays sur le bon chemin et lui éviteront de nouveaux dérapages.

Les Tunisiens ont patienté un mois pour voir, finalement, ceux qui l’ont pillé et appauvri assumer leurs responsabilités et rendre des comptes devant la justice.

Ce que va nous apprendre Kaïs Saïed lors de sa prochaine apparition va-t-il apporter des réponses à toutes ces interrogations et satisfaire les aspirations d’un peuple envahi par l’espoir mais toujours pas totalement rassuré ?

La réponse ne va sûrement pas tarder. Alors, croisons les doigts et laissons cet espoir nous couvrir davantage…

K.Z