Par : Kamel Zaiem
La Centrale syndicale n’arrête pas de réclamer un dialogue entre toutes les composantes de la société, alors que Kaïs Saïed ne cesse pas de crier sur tous les toits qu’il prépare le terrain à un dialogue national qui se démarquera des expériences précédentes.
Option ambigüe
Sans entrer dans les détails des dialogues nationaux qu’a connus la Tunisie, ce qui semble clair c’est que le président de la République tient à mettre en exécution sa propre vision de ce dialogue qui risque de s’avérer, en fin de compte, un dialogue de sourds.
Ces dernières semaines, des forces vives de la société civile sont intervenues pour proposer des esquisses de ce dialogue qui doit réunir toutes les parties concernées par l’avenir du pays et la voie à suivre pour une prochaine étape qui s’annonce très délicate.
Or, à entendre parler le locataire du palais de Carthage, il ne faut pas trop rêver. Il préconise un dialogue avec uniquement des structures de jeunes qui seront appelées à discuter, à proposer des initiatives et des programmes et à définir certaines bases de gouvernance, y compris le futur système politique, la nouvelle loi électorale et d’autres fondements qui nécessitent de l’expérience et du savoir-faire pour en parler sérieusement et en déduire les conclusions positives.
Pour le moment, c’est le flou quasi-total à propos de ce fameux dialogue qui risque de mettre trop de temps avant d’être mis en exécution. C’est que Kaïs Saïed a besoin des représentants de tout un peuple pour avancer et non pas une seule composante formée de jeunes citoyens. Or, de par sa nouvelle formule qui demeure toujours confuse, le Président tend à exclure les partis politiques et à limiter l’influence des organisations nationales, notamment l’UGTT et l’UTICA qui ont été derrière la réussite du dialogue national de 2014 qui a abouti à un retrait d’Ennahdha et à l’organisation de nouvelles élections législatives et présidentielle.
Exclusion possible
Et si Saïed a pu bénéficier, dès le 25 juillet 2021, de l’appui total de la Centrale ouvrière avec ses millions d’adhérents, le décor risque de changer au cas où l’UGTT se trouverait exclue de cette large concertation qui pourrait s’avérer beaucoup plus réduite que prévu.
Noureddine Taboubi, le patron de l’UGTT l’a encore rappelé hier lors d’un meeting syndical. S’adressant au président de la République sans le nommer, il a indiqué que c’était au Chef de l’Etat de fédérer les citoyens autour d’un projet dans lequel ils peuvent croire rappelant que la crise politique était due en partie à l’absence de confiance entre les gouvernés et les gouvernants. Toutefois, Saïed doit s’exprimer clairement et en toute transparence sur son projet afin que l’UGTT puisse définir sa position car elle n’est pas disposée à donner un chèque en blanc à qui que ce soit.
Plus important encore, Taboubi a exprimé son rejet de l’exclusion des opposants politiques, rappelant que le paysage politique actuel est le fruit des urnes et à l’image de la société tunisienne.
Le décor est planté et le président de la République est averti. Il aura à choisir entre élargir le cercle des participants à ce dialogue pour y intégrer toutes les composantes de la société civile, y compris les partis politiques qui n’ont jamais touché aux intérêts du pays et des citoyens, ou bien se recroqueviller et amorcer une échappée solitaire dont il assumera à lui seul le succès ou l’échec.
Pour plus de clarté
Aujourd’hui, Saïed est tenu plus que jamais à éclairer la lanterne des Tunisiens et à mettre fin à cette ambiguïté qui persiste et qui bloque quasiment tout.
Dans le contexte actuel, le pays a besoin de plus de clarté et de sincérité de la part de ceux qui sont chargés de le guider et pas uniquement au palais de Carthage.
Saïed, qui doit faire un peu plus vite, du fait que cette « période exceptionnelle » ne doit nullement s’éterniser, est appelé à aller directement au but et à ne pas entraîner tout un peuple dans ses balbutiements et hésitations.
Il a fait un important pas le 25 juillet pour concrétiser la volonté de son peuple, mais il doit toujours se mettre en tête qu’il demeure au service de ses concitoyens et de leurs réelles aspirations et non pas se mettre dans la peau d’un totalitaire qui réunit tous les pouvoirs sans savoir en faire le bon usage.
Et si le président de la République veut faire de ce dialogue un nouveau type de référendum, qu’il le dise clairement pour le faire savoir à ceux qui espèrent entamer un véritable échange d’idées et de propositions, à l’image, justement, d’une UGTT qui risque de se trouver hors jeu avec toutes les pires conséquences pour un pays appelé à réunir toutes ses forces vives et non pas à les diviser davantage.