Par Soufiane Ben Farhat

La géopolitique de la pandémie du Covid 19 n’a pas encore donné son verdict final. Toutefois, un peu partout, aux prises avec le virus, les États jouent volontiers la carte de la sécurité sur fond de marasme et de blocages.

Grosso modo, dans les pays occidentaux, on a sacrifié les personnes âgées. Le traitement inhumain infligé à des personnes vulnérables et esseulées dans la Vieille Europe relève des pires scénarios cauchemardesques il y a peu. C’est désormais une cruelle réalité. Aux États-Unis d’Amérique, ce fut aussi tragique sinon plus, avec le paroxysme délirant atteint par le président sortant Donald Trump dès janvier 2020.

Triple échec du libéralisme, du mondialisme et de l’européisme

Aux dernières nouvelles, plus de 108 millions de personnes ont été contaminées par le virus de la Covid-19 dans le monde et plus de 2,3 millions en sont décédées, selon l’Université américaine Johns Hopkins. On recense le plus grand nombre de cas aux États-Unis, au Brésil, en France, au Royaume-Uni et en Russie. Les foyers majeurs de l’épidémie se situent actuellement dans la zone Amériques et en Europe. Ces régions sont à l’origine, respectivement, de 50% et 35% des nouveaux cas de Covid-19 rapportés au niveau mondial, et de 51% et 38% des nouveaux décès.

Les pays occidentaux sont confrontés à un triple échec : échec du libéralisme, échec du mondialisme et échec de l’européisme. L’Etat libéral nord-Atlantique est en crise. La crise de légitimité du système et de ses principaux ténors atteint son paroxysme. Le scénario des élections américaines, ayant laminé Donald Trump pourtant donné vainqueur en roue libre il y a un peu plus d’une année, se vérifiera ailleurs.

Tunisie : corruption, paupérisation et politique du bâton

Qu’on ne s’y trompe guère. Sous nos cieux, la propagation de l’épidémie a été corollaire de l’augmentation sensible des affaires de corruption, notamment au sommet de l’Etat et dans des affaires liées à la pandémie, de la paupérisation citoyenne et de l’atteinte aux libertés. Si en Occident on a sacrifié les personnes âgées, en Tunisie on n’en finit pas de sacrifier les pauvres et les libertés. Le gouvernement Fakhfakh a dû démissionner suite aux affaires de corruption avérée -notamment de ministres et de députés- et de forts soupçons de corruption et de conflits d’intérêts du chef du gouvernement en personne. L’actuel gouvernement est en panne depuis un mois suite au refus du président de la République d’entériner un vaste remaniement ministériel (onze ministres sur vingt-huit) pour motif de corruption et de soupçons de conflits d’intérêts entachant quatre nouveaux ministres.

Côté économique et social, le renchérissement des prix des denrées alimentaires et des services de base induit une chute vertigineuse du pouvoir d’achat tant de la classe moyenne que des plus démunis. Les spéculateurs et accapareurs sévissent, les hausses des prix se succèdent au fil des semaines. Le libéralisme à dents de loup broie et envenime tout.

En même temps, la répression féroce des manifestations citoyennes, comme ce fut le cas en janvier 2021, la pratique de la torture et les lourdes condamnations des auteurs de délits sont légion. Cela s’accompagne d’un retour en force des discours d’incitation à la haine et intégristes de tout poil dans l’enceinte parlementaire ou ailleurs. Les violences dont sont victimes les femmes et les enfants ont repris du poil de la bête. Le tout dans l’indifférence, voire la complicité non déguisée des principaux dirigeants et hauts responsables de la place. Bref, c’est le souci sécuritaire qui l’emporte, sur fond de manœuvres politiciennes de boutiquiers.

La crise politique au sommet de l’Etat, où les trois présidences se chamaillent à n’en plus finir, achève de planter le décor marqué de ressentiments, de peurs, d’angoisses, de préventions et de désespérance. Les Tunisiens semblent pris d’une étrange dépression collective et les mois prochains semblent on ne peut plus brumeux et incertains.