Par : Kamel Zaiem
Un mois et demi après le coup du 25 juillet 2021, les vagues du doute et du mystère déferlent encore sur le pays dans un silence aussi pesant que menaçant. Et ce, même si, loin des pressions exercées par quelques forces étrangères, politiques, économiques ou parlementaires, Kaïs Saïed sera, en principe, le seul à décider de la nature du régime politique qu’il entend proposer au peuple.
Car, les défis ne manquent pas, et il en est de même pour les menaces dans un contexte politique, social, sanitaire et économique très difficile.
Place à l’action
Après le bal des délégations étrangères, accourus en Tunisie pour voir ce qui s’y passe, pour discuter avec le président de la République et surtout pour tenter d’aider Ennahdha à survivre et à limiter la casse, place à présent aux choses concrètes.
Et c’est Walid Hajjem, le conseiller auprès de la présidence de la République, qui vient de donner le ton – sur une chaine de télévision étrangère SVP- révélant partiellement quelques détails du futur plan d’action du président Kaïs Saïed. D’après ses dires, le chef de l’Etat s’est attaqué au dernier virage, et il est fort probable de le voir s’adresser prochainement au peuple tunisien et révéler l’identité du nouveau chef de gouvernement. Hajjem ne le dit pas directement, mais on peut facilement deviner l’orientation présidentielle concernant la nature du futur régime politique : « L’idée est d’aller vers un régime plus juste qui donne la possibilité aux pouvoirs d’exercer leurs compétences comme il se doit. On ne peut continuer à fonctionner suivant ce régime (…) Nous nous orientons, d’ailleurs, vers un régime présidentiel ».
Un combat constitutionnel
Nonobstant les mauvaises habitudes de nos gouvernants d’aller vider leur sac auprès des médias étrangers, et c’est valable aussi bien pour Moncef Marzouki, l’ancien président de la République, Ennahdha qui ne jure que par Al Jazeera que pour Kaïs Saïed et ses proches collaborateurs, l’essentiel, à présent, c’est de lever le voile sur ce fameux plan de Saïed et de se lancer dans sa concrétisation.
C’est dire qu’un nouveau combat constitutionnel va bientôt éclater.
Saïed respectera-t-il la Constitution actuelle pour y parvenir ?
A travers les étapes qu’il compte passer, ne risque-t-il pas de violer la Constitution de 2014 ?
Comment compte-t-il compenser le gel du Parlement et l’absence de la Cour constitutionnelle pour aller au bout de ses intentions ?
Quelles seront les limites d’action de Saïed qui se considère, aujourd’hui, comme le seul pilier du pouvoir à continuer d’agir légalement ?
Fructifier de belle manière le soutien populaire
En fait, tout dépendra de ce que retient Kaïs Saïed de l’appui populaire dont il a bénéficié le soir du 25 juillet. Car, prendre en considération ce précieux soutien ne veut pas dire agir de manière très personnelle sans prendre en compte les aspirations de ces citoyens qui voient encore en lui le sauveur qui a pris les rênes en main en temps opportun. D’ailleurs, l’UGTT, qu’on pense proche du président de la République depuis le 25 juillet, vient de le rappeler, indiquant la nécessité d’impliquer les forces vives du pays dans la prise de décisions.
Et si Walid Hajjem parle d’un retour au régime présidentiel, cela ne veut nullement dire que le président de la République dispose d’un chèque en blanc pour tout faire à sa guise.
Les Tunisiens, usés et frustrés par leurs gouvernants durant une longue et pénible décennie, tiennent à ce changement de décor, mais il ne peut avoir lieu sans qu’ils soient consultés ou, du moins, écoutés et compris.
Pas de droit à l’échec
Et puis, même si Saïed est appelé à changer trop de choses, il n’aura pas de droit à l’erreur et il ne doit surtout pas décevoir.
Pour le moment, il a imposé à tout le monde une attente qui commence à se faire longue, et le moment d’accélérer le rythme a sonné. On parle du 12 et du 13 septembre pour annoncer du nouveau, mais l’essentiel c’est de voir le locataire du palais de Carthage tenir ses promesses et aller de pair avec les espoirs de tout un peuple meurtri par ces mafias et ces clans qui ont dirigé le pays.
Le retour à un régime présidentiel est une des bonnes solutions, mais encore faut-il y aller dans le respect de la Constitution pour faire taire les mauvaises langues et rassurer les plus pessimistes.
Dans quelques jours, il y aura beaucoup de nouveau et ceux qui en tremblent ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes.
Désormais, la page de l’avant 25 juillet est tournée et tout doit être fait de manière à voir la Tunisie aller dans le bon sens dans une totale autonomie et un respect sans faille des revendications de tout un peuple.