Par : Kamel Zaiem

Il y a eu un 25 juillet 2021 puis un 22 septembre, et ceux qui ont tenté de faire du 26 septembre une troisième date-clé n’y ont pas réussi faute d’un passé, pas très lointain, qui a fait d’eux une classe politique très redoutée par un peuple qui en a souffert jusqu’aux os le long de la dernière décennie.

Les dernières mesures exceptionnelles annoncées par Kaïs Saïed ne font pas l’unanimité car elles présentent l’homme comme un futur dictateur bien qu’il n’en donne pas l’impression. Toutefois, ceux qui sont sortis dimanche pour s’opposer à la volonté du président de la République ne se soucient guère de la démocratie et des libertés.

Fausses similitudes

Certes, le rassemblement a réuni des figures de l’islam politique, d’autres plus extrémistes et même des têtes qui appartiennent à l’extrême gauche. Leur présence ensemble, bien que programmé en raison des intérêts communs qu’ils défendaient, nous a rappelé la fameuse alliance du 18 octobre 2005. Une alliance contre nature dressée contre les exactions du régime de Ben Ali et ses débordements qui touchent aux libertés et aux droits de l’homme.

Or, cette fois-ci, le contexte n’est plus le même. Ceux qui crient au scandale suite aux décisions de Saïed représentent bel et bien la classe politique qui a tenu les rênes du pouvoir pendant dix ans pour faire montrer aux Tunisiens de toutes les couleurs.

Ce sont eux qui ont ouvert les boulevards de la corruption dans lesquels ils ont plongé pour piller les caisses de l’Etat et appauvrir une large partie du peuple.

Ce sont eux qui ont encouragé et fermé les yeux devant les actes terroristes qui ont conduit jusqu’aux assassinats politiques (Chokri Belaid, Mohamed Brahmi et Lotfi Naguedh) ainsi que l’exécution des soldats et des agents de la Garde présidentielle en passant par les attentats du Bardo et de Sousse.

Ce sont eux qui ont créé un vide dangereux dans la gouvernance du pays en fuyant la mise en place d’une Cour constitutionnelle, juste pour leurrer et semer le désordre et le chaos qui leur permettent de s’éterniser au pouvoir. Aujourd’hui, ils en récoltent les conséquences puisque Kaïs Saïed a pu exécuter son coup constitutionnel en profitant largement de ce vide qui lui a laissé le champ ouvert pour aller de l’avant et interpréter comme il veut une Constitution ouverte à toutes les lectures, les manipulations et les interprétations.

Ce sont eux qui ont détruit l’économie du pays et vidé les caisses en s’appropriant des biens indus sans prendre en considération les lois en vigueur ni l’engagement moral pour servir le pays et en imposant aux citoyens des accords commerciaux conclus avec la Turquie de façon à « tuer » l’économie et l’industrie du pays.

Samir Dilou était là pour défendre la « meilleure » Constitution au monde !

Ce sont eux qui, comme l’attestent les derniers rapports de la Cour des comptes, ont pleinement profité du financement étranger pour mener leur campagne électorale aux législatives de 2019 et garder la main sur le pouvoir.

Ce sont également eux qui n’ont pas hésité à faire appel à leurs amis et protecteurs à l’étranger pour intervenir en Tunisie et les faire revenir au Parlement, leur royaume magique du pouvoir.

Ce sont eux qui ont profondément provoqué la colère des Tunisiens qui se sont trouvés désabusés et désillusionnés à cause de la gouvernance de partis politiques arrivistes et opportunistes.

Ce sont ces gens-là qui sont sortis dimanche crier leur ire envers le nouveau dictateur, le traitant de tous les outrages et insultes. Un dictateur en herbe qu’ils ont eux-mêmes soutenu à un certain moment, croyant l’avoir convaincu de faire front commun avec eux.

D’autres défis à relever

Ces opposants à Saïed refusent encore de reconnaître leur échec et d’admettre qu’il a été plus habile et plus intelligent et opportuniste qu’eux puisqu’ils furent pris à leur propre piège.

Pour les Tunisiens, les vrais, la page de l’avant-25 juillet est déjà tournée et d’autres défis les attendent. Saïed est là, mais il ne doit jamais disposer d’un chèque en blanc pour agir en cavalier seul. Ses propres convictions politiques et sociales ne sont pas partagées par tous les Tunisiens et doivent être discutées avec les forces vives de la société civile avant de les mettre en exécution.

C’est dire que le pays n’est pas encore sorti de l’auberge et les prochaines étapes seront cruciales pour préserver les intérêts et l’identité du pays et permettre un rapide redressement économique.

Du pain sur la planche attend Saïed et son peuple. Pour le moment, il dispose de la confiance de la majorité, mais ceci ne veut nullement dire qu’il aura un total et permanent feu vert.

K.Z.