Par : Kamel Zaiem

Durant ces deux derniers mois de l’année, ce sont les finances qui auront la priorité.

On commence à en parler et ça va chauffer, à première vue. C’est que le projet de la loi de finances de l’année 2022 ne fait pas l’unanimité si on se fie à la copie fuitée.

D’ailleurs, le ministère des Finances a réagi, hier lundi dans un communiqué, à la diffusion par certains médias, publics et privés, de certaines dispositions du projet de Loi de finances 2022, affirmant qu’il s’agit d’« une version non finale » du projet, que « le document divulgué n’est pas le document officiel » et que « l’élaboration du projet de loi est toujours en cours et que les équipes du ministère travaillent à son parachèvement ». Le ministère rappelle même l’importance de vérifier l’information auprès des sources officielles et de s’assurer de publier des données correctes afin de ne pas tromper l’opinion publique, comme si la clarté et la transparence sont les points forts de ce département.

Un projet creux

D’après certains experts économiques, Le document « ne comporte pas comme chaque année ni les hypothèses de sa préparation tels que le taux de croissance attendu pour l’année prochaine ni l’évolution du cours de change du dinar et des cours des principales matières premières. En outre, le projet ne présente pas un état récapitulatif des emplois et des ressources budgétaires au titre de l’année 2022, ce qui fait de lui un projet creux et ambigu ».

Certains estiment même que le document a été élaboré à la hâte, ce qui en a fait un programme d’action sans réelles ambitions d’amélioration de ce qui se passe aujourd’hui en pleine crise économique.

Et c’est le côté fiscal qui revient sur toutes lèvres puisque le nouveau projet n’innove en rien les anciennes « mauvaises habitudes » qui sont bien loin de prévaloir l’équité et la justice dans ce dossier.

Ainsi, les « fuyards » du fisc n’auront pas trop de souci à se faire et les éternels bénéficiaires des métiers de libre pratique pourront tranquillement dormir sur leurs lauriers.

L’austérité n’y est pas

D’autres connaisseurs en tirent des conclusions très peu encourageantes : « Il est normal que les fonctionnaires qui ont préparé le projet de la loi des finances 2022 ont oublié de prévoir, dans le labyrinthe des dispositions de ce projet, des mesures pour limiter le coût exorbitant de 2 milliards de dinars par an des logements de fonction et des voitures administratives de luxe puisqu’ils les exploitent en toute quiétude. Au fait, le projet qui a été préparé sans aucun contrôle indépendant et qui sera promulgué en se basant sur le décret présidentiel 117/2021 n’a prévu aucune mesure permettant de concrétiser la politique d’austérité prônée par Kais Saied, le Président de la République. Mieux encore, aucune mesure d’encouragement à l’investissement de la diaspora qui a sauvé en 2021 les réserves de change, n’a été prise ».

Il est vrai qu’il ne s’agit que d’une copie fuitée, mais elle provient du ministère des Finances et elle porte des « anomalies » criardes.

Ainsi, l’accord catastrophique de commerce avec les turques sera maintenu et tous les avantages en nature, les avancements et les promotions des fonctionnaires seront « préservées », contrairement à l’esprit du changement annoncé le 25 juillet 2021. Et il est clair que l’Etat, incapable de nous débarrasser des mauvaises habitudes et de certains liens délicats, n’ira pas secouer ce qui ne va pas et se contentera d’aller chercher directement chez les consommateurs de bière et des boissons alcoolisées ce qui lui manque pour assurer certains équilibres.

Au service des spéculateurs

Et ce n’est pas tout. Le projet de loi des finances 2022 prévoit des dispositions d’allègement de taxation pour les opérations relatives à l’activité des entreprises exploitant des entrepôts frigorifiques de produits agricoles sous le prétexte de consolider le pourvoir d’achat des consommateurs. Or, qu’on le veuille ou pas, ces entreprises représentent, pour la plupart d’entre elles, le fer de lance de la contrebande et de spéculation sur l’alimentation des Tunisiens., ce qui doit inciter à réviser ces nouvelles mesures qui pourraient soutenir davantage les spéculateurs et les barons de la corruption.

Ce ne sont, là, que quelques remarques sur le contenu de la première copie qui peut, évidemment, être corrigée et réorientée selon les besoins du pays et surtout le bien-être du citoyen lambada et non pas des entreprises et des réseaux qui continuent à l’affamer et à l’appauvrir.

Le ministère des Finances dispose encore de temps pour pallier à ces dérapages et à ces défaillances et il serait souhaitable d’aller chercher conseil auprès des experts compétents, indépendants et soucieux de servir l’intérêt général d’un pays qui veut profiter de ce nouvelle loi de finances pour sortir du gouffre et entamer le redressement économique espéré.

K.Z.