Selon le gouvernement tunisien, le FMI aurait accueilli favorablement le programme de réformes macroéconomiques de la Tunisie. La rencontre avec le FMI a été organisée dans le but d’obtenir un prêt couvrant la dette souveraine, avoisinant 4 milliards de dollars.
Une délégation tunisienne s’est déplacée à Washington le 3 mai, afin de justifier la demande de rééchelonnement de la dette du pays. La Tunisie aurait été représentée par le ministre de l’Economie Ali Kooli et le gouverneur de la Banque Centrale, Marouane Abassi.
Donc, la délégation tunisienne a affirmé que le programme prévoyait la révision de la subvention et des salaires des fonctionnaires publics. Des promesses qui conviennent aux intérêts de l’instance financière. Cependant, la Tunisie qui compte 800 000 fonctionnaires publics pourrait subir un autre choc économique si ces mesures étaient adoptées.
Une source proche du dossier a remis au Journal du Dimanche une copie du dernier draft des réformes en question. Le document, de 26 pages, explique en long, en large et en travers les raisons objectives de la crise financière tunisienne. Néanmoins, très peu de mesures concrètes y sont prévues.
La Covid-19 est-elle vraiment responsable ?
Notamment, on lit sur le document : « Les perspectives macro-économiques à court terme sont sombres en raison de la troisième vague de la pandémie Covid-19 », constate le gouvernement tunisien. Certes, la pandémie de la Covid-19 a endommagé les supposés efforts de développement économiques en Tunisie. On pourrait alors se demander si la réussite de la campagne de vaccination signifierait un prompt rétablissement pour le fameux « couffin du citoyen ».
En tout cas, c’est ce que certifie le gouvernement dans ce draft. Il s’agit sans doute d’un argument répété infiniment par la délégation tunisienne à Washington. La recherche d’efficacité de l’action gouvernementale est le second argument. Concrètement, on pourrait juger de l’intervention de l’Etat selon l’essor de la campagne vaccinale, qui cherche à couvrir 50% de la population générale courant 2021.
C’est là une affirmation plutôt ambitieuse. Si le FMI allonge 4 milliards de dollars à la Tunisie, ça ne pourrait être dans l’espoir que le pays les rembourse rapidement. Or, la vaccination ne signifierait pas nécessairement la reprise de la production, voire sa hausse. Le rapport sur la dette souveraine tunisienne de juin 2019 certifie 26,8 milliards de dollars de dette, contre 21,1 en 2018. Clairement, la Tunisie connait une dégringolade financière depuis des années. Le coronavirus n’est donc pas le seul fautif de la crise.
La chimère du réalisme tunisien
Ce qui nous amène au sujet de la gouvernance. Au-delà de la politique, l’administration tunisienne n’est pas efficace. Présumer le contraire dans le secteur de la santé publique peut être un euphémisme pour le citoyen lambda. D’ailleurs, le FMI précise bien que les promesses de réformes seront difficiles à maintenir. Donc, en marge de ce paradigme, qu’est-ce qui porte le Fonds Monétaire International à croire le contraire ?
Le document gouvernemental présente des propositions radicales. Parmi elles, l’encouragement du licenciement dans le secteur privé, des programmes de retraite anticipée et le travail à temps partiel. Selon Reuters, qui a fait état d’un autre document plus récent, l’Etat compte employer des chômeurs à 50% du SMIG, soit à 189 dinars tunisiens par mois.
Par conséquent, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) est revenue sur son accord avec le gouvernement. Cet accord prévoyait une carte blanche à la délégation gouvernementale tunisienne pour négocier les termes de la syndication de la dette. Ce ne serait pas la première fois que l’UGTT revient sur ses promesses. Le syndicat serait d’ailleurs la cause du tollé général qu’a connu le gouvernement depuis la révolution. Si on en croit l’opinion publique, cette fois ne sera pas différente.
Néanmoins, le gouvernement de Mechichi a plusieurs fers dans le feu. Et même si les débats politicards en font partie, gouverner le pays demeure la priorité, par normes et par clauses. Une énième vague de grèves ne ferait donc que tuer le programme de réformes dans l’œuf.
Quelles solutions pour une économie à genoux ?
Bien que le programme accordé avec le FMI ne profite que très peu à la Tunisie sur le long terme, quid de son urgence ? Il serait surréaliste que les employés gouvernementaux ne perçoivent pas leur salaire. Toutefois, cette hypothèse est bien présente depuis le début de la récession en 2016.
Vraisemblablement, l’Etat tunisien n’aura plus grand-chose à perdre en faisant défaut à sa dette. Mais c’est là une barrière que le gouvernement ne serait jamais prêt à franchir. L’impasse économique est une réalité incontestable, tout comme le suivisme tunisien. Le gouvernement promet la « négociation de mesures innovantes visant l’allègement de la masse salariale », mais l’UGTT ne le laisserait pas faire, au risque que plus de grèves n’enterrent à tout jamais le rêve tunisien de relance économique.
Dans les faits, l’égo tunisois enveloppé de patriotisme empêcherait certaines populations de se considérer réellement dans le bourbier – comprenez, la nouvelle bourgeoisie. D’un autre côté, la majorité silencieuse est déjà dans le cul-de-sac. On pourrait omettre ces faits ou les accepter, mais dans les deux cas, plus personne ne s’attend à un changement opéré par les « élites » tunisiennes. Il faudrait probablement que l’Etat commence à considérer de petits changements dont il serait capable. Non pas que le président Kaïs Saïed ait raison, mais la corruption gangrène l’administration et empêche le développement.
Enfin, quelle corruption nuit le plus à l’économie tunisienne ? S’agit-il des politiciens et des hommes d’affaires comme le répètent machinalement les « experts » dans les médias ( et le président, chaque fois qu’un microphone se trouve à sa portée ) ? Ou s’agit-il de la petite corruption ? Il n’y a pas un Tunisien qui pourrait contredire une simple observation. La corruption profite aussi aux employés de l’Etat, dans la sécurité, dans l’administration publique, dans les douanes et même dans la santé, vu le contexte actuel. Il serait peut-être plus judicieux de tacler ces « vrais problèmes », au lieu de débattre la macroéconomie du pays (ou faire la manche)… à Washington.