Myriam B.S
Encore une fois un discours choquant pour les uns et provocant pour les autres et encore une fois la « main » du président qui se tend pour remuer le couteau un peu plus dans une Constitution que chacun veut interpréter selon ses propres intérêts quitte à mettre la stabilité du pays en péril. L’enjeu porte cette fois-ci sur le commandement des forces armées. « Forces armées », ce mot qui fait trembler les démocrates tant il est synonyme de putsch si ces mêmes forces sont mises au service d’ un objectif autre que leur rôle principal en tant que corps de l’Etat chargé d’une mission républicaine à savoir défendre la nation, son indépendance et l’intégrité de son territoire. D’ailleurs, c’est ce que préconise la Constitution tunisienne du 27 janvier 2014 dans son article 18. Le président de la République, Kais Saied, ne peut alors trouver mieux que la commémoration dimanche dernier de la fête des forces de la sécurité intérieure, pour se revendiquer « Commandant suprême » non pas seulement des forces armées qui, renvoie en première lecture des textes constitutionnels vers l’armée nationale, mais aussi du reste des corps armées en l’occurrence les forces de sécurité nationale et la douane. Et si les démons de la théocratie se sont réveillés en Tunisie en plein mois de Ramadan… ?
Cadre de loi…
Si on se réfère au juriste et membre de la Constituante de 2011, Me Sélim Ben Abdesselem, il faut de prime abord, définir ce qui sont les « Forces armées » et les « Forces de sécurité nationale ». Selon lui : « Les articles 18 et 19 se rapportant respectivement aux forces armées et aux forces de sécurité nationales, distinguent les missions propres de ces deux corps en leur imposant des contraintes et exigences spécifiques pesant sur chacun d’entre eux et sur leurs membres. Il ressort toutefois une certaine complémentarité dans leurs rôles et l’existence d’exigences communes pesant sur ces deux corps et leurs membres. En effet, les articles 18 et 19 ne sont pas rédigés selon la même structure ». Justement, l’article 18 est ainsi rédigé : « L’armée nationale est une force militaire républicaine armée basée sur la discipline, composée et structurellement organisée conformément à la loi, chargée de défendre la nation, son indépendance et l’intégrité de son territoire. L’armée nationale appuie les autorités civiles selon les conditions définies par la loi ». Et ainsi est rédigé l’article 19 : « Les forces de sécurité nationale sont des forces républicaines chargées de préserver la sécurité et l’ordre public, de veiller à la sécurité et à la protection des individus, des institutions et des biens, de l’application de la loi dans les limites du respect des libertés en toute neutralité ». A qui revient, alors, le commandement de ces deux forces et si elles forment une seule entité
إشراف رئيس الجمهورية على موكب الاحتفال بعيد قوات الأمن الداخليإشراف رئيس الجمهورية قيس سعيد على موكب الاحتفال بالذكرى الخامسة و الستين لعيد قوات الأمن الداخلي
Publiée par Présidence Tunisie رئاسة الجمهورية التونسية sur Dimanche 18 avril 2021
Confusion…
Pour l’autre juriste, Me Jalel Hammami, : « Jusqu’ici, chacun de ses deux corps sont mis sous la tutelle de deux ministres différents en l’occurrence, le ministre de la Défense nationale qui est, par ailleurs, nommé par le président de la République après concertation avec le Chef du gouvernement conformément à l’article 89 de la Constitution de 2014 et le ministre de l’Intérieur qui est nommé, également, conformément au même article de la Constitution par le Chef du gouvernement. Ainsi et à première vue, il s’agit de deux corps différents dont la tutelle revient respectivement au prédisent de la République et au Chef du gouvernement. A mon avis, le texte constitutionnel est clair et ne supporte aucune autre interprétation. Je sens, ainsi, une volonté délibérée visant à grignoter le maximum de prorogatives au profit du président de la République qui refuse tout naturellement de se cantonner dans un rôle purement symbolique ». Et d’ajouter : « Si cette donne s’avère vraie, il y’a certainement une menace qui pèse de tout son poids sur le processus démocratique en Tunisie. Car, cela veut tout simplement dire qu’il y’a quelqu’un dans ce pays qui cherche à s’accaparer tous les pouvoirs en s’autoproclamant chef de toutes les forces porteuses d’armes (Armée, agents de police, douaniers, agents pénitenciers et même gardes forestiers).
Mise en garde…
Du côté des universitaires, on n’est pas resté, également, san réaction. L’universitaire, Chiheb Boughedir, est allé même à adresser une mise en garde au président de la Républqiue en rappelant : « l’Etat n’est pas la faculté de droit. A ma connaissance, le président de la République n’a pas été élu pour adapter l’Etat à ses désirs et à ses souhaits. Je rappelle au président que Cette démocratie est le fruit de la lutte de tout un peuple et que personne ne peut prétendre être à l’origine de son éclosion ou un acteur indispensable dans l’engagement de ce processus inéluctable et irréversible. Cette révolution n’est pas la vôtre non plus, elle est et demeurera celle du peuple tunisien , et survivra à vos lubies et à vos caprices. Si vous croyez nous menacer , c’est que sans doute , vous et vos thuriféraires assermentés, ignorez que la volonté du peuple primera toujours et que vous ne réussirez jamais à infléchir la volonté populaire bien que les nostalgiques de la dictature et de la servitude soient aujourd’hui vos soutiens les plus loquaces alors qu’avant les élections, ils vous avaient affublé du sobriquet de Robocop….Vous incarnez tout simplement pour eux l’espoir d’un pogrom ou d’un génocide similaire à celui commis par les autresdictateurs. Ceux-là soutiendraient le diable en personne s’il leur promettait de les débarrasser des islamistes, ils accepteraient même d’être colonisés, ne le sont-ils pas déjà, si Macron leur promettait la même chose. Ce n’est guère votre populisme que je crains, ce n’est guère votre attitude matamoresque qui m’inquiète, ce qui m’inquiète vraiment , c’est tout ce temps perdu à cause d’un homme halluciné et hallucinant, on le croyait ambigu et mystérieux, on le savait sans passé militant, on se disait qu’il était au moins intègre et honnête, il s’est avéré qu’il est un féru du brodequin et qu’enfant, il devait se croire prophète ou maréchal…. Comment peut-on être si insensible, si peu empathique, si mentalement rigide et intellectuellement frigide, si peu compatissant au moment où des vies sont fauchées à cause de votre arrogance et de vos pitreries ».
M.B.S