Par Soufiane Ben Farhat

L’histoire retiendra que le gouvernement Mechichi est synonyme de la désastreuse propagation du Covid 19 à large échelle dans notre pays. Avec son cortège de centaines de milliers de victimes et de plus de onze mille morts jusqu’ici. En fait, même le confinement intégral qui commence ce dimanche 9 mai s’avère vain. Témoin, les scènes de foules démesurément grouillantes et hagardes un peu partout samedi 8 mai à travers tout le pays. Images choquantes, images effrayantes. Elles ne présagent de rien de bon à brève échéance.

Désorganisation totale

Paradoxalement, le gouvernement a annoncé le confinement in extremis. C’est à dire sans pour autant permettre aux citoyens de disposer d’assez de temps pour s’organiser. Du coup, ruées vers les banques, haro sur les bureaux de poste et les stations de transport interrégional, assaut des grandes surfaces, pâtisseries et boucheries. Ce fut le cas l’après-midi du vendredi et toute la journée du samedi 9 mai. Partout, c’est le concert débridé des promiscuités et attroupements anarchiques et douteux. En revanche, partout aussi, l’absence d’agents et de services d’ordre.

Des pseudo-chefs plutôt secs

Les Tunisiens escomptent des discours réconfortants ou explicatifs en ces temps de crise tous azimuts. Or, partout, les hauts responsables se calfeutrent dans le mutisme. Hormis la brève allocution, contreproductive d’ailleurs, de Hichem Mechichi au début de la conférence de presse du vendredi dernier annonçant le confinement. En fait, il fut laconique, sans âme ni empathie, à la limite antipathique, guère convainquant et dépourvu de tout charisme. Fond et forme coïncident pour rebuter et mettre mal à l’aise. La totale en somme.

Bref, c’est le condensé des psudo-chefs plutôt secs dont nous pâtissons depuis quelques années et qui pullulent à l’issue des élections de 2019. Dépourvus de toute originalité, ils sont originaux par leur seule banalité. Et porteurs de mauvaises nouvelles de surcroît.

Échappatoires à l’extérieur

Évidemment, l’atmosphère est plombée. Ses ressorts sont multiples et concentriques. Pandémie, isolement, crise économique grave, renchérissement des prix, blocage des institutions et absences de perspectives. En fait, la morosité est telle que tous les états d’âme de mise sous nos cieux mènent irrémédiablement à l’angoisse.

Généralement, en pareilles situations, l’Etat redouble d’initiatives en vue d’informer, rassurer, se dédouaner et rebondir. En effet, ce sont là les ingrédients de base de la communication de crise. Or, il n’en est rien chez nous.

Pire, les dirigeants se détournent du pays dans son ensemble après s’être détournés du citoyen et de ses besoins vitaux fondamentaux. Ainsi annonce-t-on une visite les 10 et 11 mai du chef du gouvernement au Portugal. Tous tant qu’ils sont cherchent des points d’appui ou des projets chimériques à l’étranger. C’est comme une espèce de compensation sourde et fantasque, une échappatoire. En définitive, ils concilient l’inconciliable et allient la faillite à l’intérieur aux gesticulations à l’extérieur.

Visite énigmatique au Qatar

La visite de Rached Ghannouchi au Qatar ces derniers jours demeure énigmatique. En effet, un halo de mystère l’entoure. Cela se traduit par l’absence d’images, de communiqués, de photos, de procès verbaux et comptes-rendus notamment. Tout au plus des affirmations plutôt contradictoires des inconditionnels séides et partisans et de certains hauts dirigeants du parti. Le communiqué du conseil consultatif d’Ennahdha du 7 mai a laconiquement évoqué la « diplomatie partisane » du parti, notamment lors de la visite au Qatar, et la série de visites que compte effectuer Rached Ghannouchi dans des capitales arabes et étrangères. Toutefois, le communiqué parle du  » raffermissement de la coopération tuniso-qatarie et d’augmentation de l’aide financière et sanitaire ». Le reste, les détails ? ce sont les milices facebookiennes du parti qui s’en chargent. A la bonne franquette, à coups de mensonges, contrevérités et allégations tendancieuses.

Ghannouchi aurait rencontré al-Qaradhaoui au Qatar…

Dans tous les cas de figure, le président de la République Kaïs Saïed n’a pas été informé de cette visite. Ghannouchi a-t-il été reçu par Témime Ben Hamad, l’émir du Qatar ? Certains dirigeants nahdhaouis s’en vantent sur la toile, d’autres le récusent. En tout cas, il n’y avait guère d’ambassadeur de Tunisie au Qatar lors de cette mystérieuse visite. On dit même que Rached Ghannouchi y aurait rencontré le tristement célèbre prédicateur islamliste al-Qaradhaoui, profondément malade. Auquel cas ça a tout l’air d’une visite clandestine d’un chef de clan plutôt que du président du Parlement.

Culpabilités et psychologie de traqués

Cela devient problématique. En effet, Ennahdha et d’autres protagonistes cultivent désormais un sentiment de culpabilité redoublé de psychologie de traqués. Ils savent qu’ils ont perdu le pays réel, si tant est qu’ils l’aient jamais conquis. Ils amoncellent les échecs et faillites, leur image chute vertigineusement dans l’opinion. Celle-ci le fait savoir d’une manière tantôt ironique tantôt acariâtre.

Alors, comme toujours, on recourt aux artifices, à l’illusion, aux dérivatifs fussent-ils toxiques. Un philosophe français disait bien que « faire rêver les hommes est souvent le moyen le plus sûr de les tenir endormis, précisément parce que le rêve leur donne l’illusion d’être éveillés ».

Le peuple, lui, se meurt, autant de pandémie que par dégoût.

S.B.F