Par: Rim Ajangui
L’Afrique, continent aux terres riches et aux ressources abondantes, importe pourtant chaque année pour plusieurs dizaines de milliards d’euros de produits alimentaires. Un paradoxe que dénonce l’homme d’affaires et mécène George Arthur Forrest dans son ouvrage L’Afrique peut nourrir le monde, publié le 20 mars 2025. Il y propose une lecture à la fois lucide et stratégique de ce paradoxe, avec un objectif clair : faire de l’agriculture le socle d’une souveraineté africaine — alimentaire, économique et politique.
Une voix panafricaine, un message universel
Préfacé par Macky Sall, ancien président du Sénégal et ex-président de l’Union africaine, l’ouvrage s’adresse d’abord aux décideurs africains, mais aussi à leurs partenaires — France incluse. Car si l’Afrique reste dépendante des importations alimentaires, c’est aussi le résultat de décennies de politiques commerciales, d’accords de libre-échange mal équilibrés et de sous-investissement structurel dans l’agriculture locale.
Aujourd’hui, alors que les chaînes d’approvisionnement mondiales sont fragilisées et que l’inflation touche de plein fouet les prix des denrées, la question de la souveraineté alimentaire n’est plus un luxe : c’est un impératif, en Afrique comme en Europe.
Un continent riche, mais dépendant
George Arthur Forrest rappelle une réalité saisissante : l’Afrique détient 65 % des terres arables non exploitées de la planète, mais importe encore plus de 35 milliards de dollars de nourriture chaque année. Cette dépendance a un coût : elle freine le développement, accroît les vulnérabilités économiques et maintient près d’un quart de la population africaine dans l’insécurité alimentaire.
Des obstacles bien identifiés
Le livre revient avec clarté sur les principales causes de cette situation :
• Le changement climatique, qui bouleverse les équilibres agricoles.
• Le manque d’infrastructures modernes, qui génère d’importantes pertes post-récolte.
• Le déficit de formation, d’innovation et d’accompagnement technique.
• L’instabilité politique dans certaines régions stratégiques pour l’agriculture.
GoCongo : un modèle reproductible
Forrest consacre une partie importante de son ouvrage au projet GoCongo, une initiative agricole lancée en République Démocratique du Congo. Ce programme vise à nourrir jusqu’à 100 millions de Congolais, tout en préservant les ressources naturelles. Il montre que des alternatives crédibles existent — à condition de les soutenir à grande échelle.
Le message est clair : l’Afrique a les moyens de nourrir sa population, voire au-delà. Mais elle doit pouvoir définir ses propres priorités, bâtir des filières de production et de transformation locales, et se libérer des dépendances extérieures.
Un enjeu géopolitique global
L’ouvrage de Forrest dépasse la simple question agricole. Il pose une équation politique : sans autonomie alimentaire, pas de souveraineté véritable. À l’heure où la France et l’Europe s’interrogent sur la résilience de leurs propres modèles agricoles, ce livre invite aussi à repenser les partenariats avec le continent africain.
Il plaide pour une coopération renouvelée, respectueuse des souverainetés, orientée vers la valorisation des ressources locales, l’accès à l’eau, à l’électricité et à l’innovation rurale.
Un livre pour ouvrir les yeux
L’Afrique peut nourrir le monde est à la fois un diagnostic sans concession et un manifeste d’action. Il propose des solutions concrètes, des exemples de réussite et des pistes de réflexion pour bâtir une souveraineté alimentaire durable. Il interpelle autant les gouvernements africains que leurs partenaires européens.
Et si demain, l’Afrique devenait non seulement autosuffisante, mais aussi un acteur-clé de la sécurité alimentaire mondiale ? Ce livre nous invite à ne plus en douter.