Par : Kamel Zaiem

Les images sont édifiantes même si c’est du déjà vu. Les Tunisiens ont commencé à se familiariser avec les conseils de ministres qui se tiennent à Carthage chaque jeudi.

Normalement, ce Conseil doit se tenir au palais du gouvernement, sauf si le président de la République demande à le présider dans certaines situations qui nécessitent sa présence.

En unique maître à bord

Or, les trois conseils de ministres qui ont été programmés ont tous eu lieu à Carthage et c’est Kaïs Saïed qui a été là pour les présider.

Ce qui nous parvient de ces réunions ministérielles qui rassemblent toutes les composantes du pouvoir exécutif, ne nous rassure pas pour autant, car les images ont l’impression de se reproduire et de nous offrir le même paysage et les mêmes gestes.

C’est toujours Saïed qui est là, installé en patron, et il n’y a que lui à parler, à gesticuler, à crier, à dénoncer, à accuser et à tout annoncer devant une assistance qui se contente, selon les images transmises, d’écouter, de hocher la tête et… d’admirer !

Il était là même pour voir le fameux tunnel de La Marsa

Ecouter et apprendre

Au milieu de ce spectacle, Najla Bouden, la cheffe du gouvernement qui est là avec toute son équipe, ne se distingue pas des autres puisqu’elle subit le même sort de se limiter à… « écouter pour apprendre ».

Il est vrai qu’elle n’a que quelques semaines d’expérience à la tête du gouvernement, mais les Tunisiens, pas tous unanimes sur sa nomination à ce poste, veulent bien la voir à l’œuvre, par la voix et par les actes, pour mieux la juger.

Mme Bouden a même été envoyée représenter la Tunisie lors d’un grand rendez-vous international en Arabie Saoudite, a prononcé un discours à l’occasion et a eu d’importantes rencontres avec des personnalités influentes à l’échelle mondiale. Il n’y a donc pas de raison pour qu’elle demeure muselée dans son palais de la Kasbah et à Carthage et quasiment absente sur la scène politique à part quelques timides apparitions.

Kaïs Saïed a parlé de travail commun lorsqu’il l’a reçue pour officialiser sa nomination. Or, depuis, elle ne fait que jouer le rôle de lieutenant appelé à se tenir aux côtés de son général sans rien faire, rien entreprendre ni faire entendre sa voix. En véritable chef de tout l’Etat, Kais Saïed parle beaucoup avec elle, mais, malheureusement, il parle aussi et surtout pour elle.

Il se veut partout

Or, les Tunisiens veulent avoir affaire à un président de la République qui se soucie de leurs préoccupations, mais également à une cheffe de gouvernement et des ministres qui sont là pour décider des actions et des mesures destinées aux citoyens et ceci ne doit nullement se faire en catimini dans un silence assourdissant.

Kaïs Saïed, soucieux de tout contrôler dans un contexte qui nécessite une grande prudence face à des opposants qui l’attendent encore au tournant, a peut-être raison de vouloir mettre la main sur tout ce qui bouge, mais il doit le faire de manière intelligente et discrète. Il ne peut pas être partout et il doit savoir compter sur ceux qui l’entourent puisqu’il reconnaît leurs compétences.

Or, jusqu’à présent, Najla Bouden ne joue pas son rôle de chef de gouvernement comme il se doit et elle ne doit pas se contenter d’un rôle de figurant ou de spectateur. Elle n’a pas encore de service de presse ni de chef de cabinet, ce qui est assez curieux pour un aussi haut et important poste à la tête du gouvernement.

Najla Bouden est condamnée à travailler dans l’ombre

Une compétence cachée

Certes, nous ne sommes plus dans l’ancien modèle de gouvernance avec un chef de gouvernement qui rivalise de pouvoir avec le Parlement et doit souvent faire entendre sa voix, mais il ne faut pas se laisse porter par cette « nécessité » de discrétion imposée par un président de la République qui se veut maître total du jeu, causant du tort à ses proches collaborateurs condamnés au black-out et à travailler dans un silence désolant.

Bouden, qui ne peut pas échapper à sa responsabilité dans le travail gouvernemental, notamment dans le volet économique, se doit de sortir de son silence et de mettre à contribution sa compétence de manière à convaincre et à montrer ce dont elle est capable. Le Président peut monopoliser tout ce qui a trait à l’actualité politique, mais il y a d’autres secteurs, comme l’économie, les finances, l’éducation et la santé qui nécessitent un travail de terrain colossal et non des discours présidentiels inutiles et peu productifs.

Verra-t-on, dès lors, Najla Bouden sortir de son hibernation imposée ? Nous le souhaitons vivement…

K.Z.