Par :Abdelhamid Jlassi

La crise en Tunisie s’est aggravée depuis plus d’un an et a pris un caractère complexe où se mêlent les enjeux sanitaires, financiers, socio-économiques, éthiques et moraux. De commun accord, l’approche politique adoptée en guise de solution était un test de la capacité de l’establishment issu des élections de 2019, de coexister et de fonctionner efficacement.

Seul objectif : répondre aux besoins les plus importants des électeurs

En particulier : le désir de changement, et l’exigence de la dignité.Les initiatives pour rassembler les principaux partis autour d’une table de dialogue et définir une feuille de route pour éviter l’effondrement ont été nombreuses.

Toutefois, elles ont toutes échoué en raison de la prédominance de la mentalité de la domination et de lutte pour le pouvoir. L’absence d’un minima de confiance et de la tyrannie des egos ont dominé le débat.

Tant et si bien, qu’une simple rencontre entre les premiers responsables de l’État devienne un événement digne d’un plébiscite, et de célébrations sur les pages Facebook.Des dizaines de personnages – ceux qui bâtirent d’État – « faisaient la manche », escomptant une réunion de dix minutes, pour présenter un point de vue et exprimer leur volonté d’aider à résoudre la crise.

Bilan : un silence oppressant.

Le président avait exprimé sa position, et son contraire, durant le dialogue national. Le pays a perdu un temps précieux à cause de cela. Et les relations entre les différentes parties se sont détériorées.Il est important de rappeler deux conclusions principales, auxquelles nous sommes parvenus au cours des derniers mois au milieu d’une rafale d’analyses et de situations, pour stimuler la mémoire.

Premièrement : le système électoral de 2019 n’avait d’autre choix que la coexistence responsable sur la base de la clarté du programme congru et des pouvoirs incombant à chacun.

L’alternative était le désengagement – courageux – en reconnaissant l’incapacité à diriger le pays. Ensuite, ramener la problématique aux électeurs, pour qu’ils tranchent dessus.Deuxièmement : La situation putride est imputable à l’ensemble du système électoral de 2019, de par son poids et son impact.

La lumière est maintenant faite sur la responsabilité du Parlement, en particulier du premier parti. C’est une responsabilité fondamentale sur laquelle on ne peut revenir, et nous avons annoncé nos positions à ce sujet par des déclarations et par écrit à l’époque.

Cependant, la responsabilité principale du Président de la République, qui a été stipulée par un consensus similaire pendant des semaines, a été scrupuleusement couverte et traitée en catimini. La raison : son incapacité à représenter tous les Tunisiens, à mener des dialogues, à apporter des points de vue, à arbitrer, et pour d’autres raisons liées à son performance politique et diplomatique, politique de communication, méthodologie et mécanismes de travail (la composition du Bureau, sa stabilité et son ouverture sur l’environnement politique, universitaire et médiatique) et sa tentative d’impliquer les institutions sécuritaires et militaires dans l’inter-mêlée.

Constater l’échec de la possibilité de coexistence entre le Parlement, le gouvernement et le président devait conduire à la nécessité de s’entendre sur des élections prématurées après avoir préparé le terrain pour cela, mais cette option avance également à pas de tortue.

Dès lors, tout le monde s’attendait à un effondrement total dû à l’aggravation de la crise et aux falsifications, ou à un désordre populaire généralisé apparu dans les mouvements de quartiers à l’occasion de l’anniversaire de la révolution, ou à une intervention militaire, que beaucoup souhaitent, pour arrêter l’effondrement et la frivolité.Le pays avait besoin d’être secoué après tant de temps perdu et de badineries.

Les mesures annoncées par le chef de l’Etat le 25 juillet ont joué psychologiquement ce rôle, mais c’était moralement et politiquement répréhensible, les potentielles conséquences seraient sans doute dangereuses.Ces mesures reposent sur une tromperie originale, car elles tiennent pour responsables le Parlement, le gouvernement et les partis.

Bien sûr, ils portent tous une grande responsabilité. En revanche, le président, qui n’a pas rempli son rôle et s’est même investi pour aggraver la situation, a été, de facto, acquitté.Il est important pour nous de rappeler ce fait afin de déterminer la position politique appropriée.

De plus, ces mesures représentent un coup d’Etat constitutionnel, indubitablement.Peut-être que je comprends la sous-estimation de la violation flagrante du texte de la constitution, violation qui se poursuit encore, si l’initiateur était extérieur au système.

Mais je ne peux l’appréhender dans l’état, puisque l’initiateur est le Président de la République qui aurait pu rattraper la situation avant qu’elle ne s’aggrave.Je ne peux pas non plus comprendre la description appropriée des mesures qui engloutissent l’État et le dissolvent dans un individu.

Dans les violations des constitutions, il n’est pas possible de faire la distinction entre « petit » et « grand ».Force est de constater que l’humeur populaire dans notre région est hantée par la recherche d’un sauveur, qui est l’une des principales conclusions des élections de 2019. Malheureusement, l’élite est aussi toujours hantée par la théorie du « tyran juste ».

C’est-à-dire qu’elle n’absorbe pas les leçons de dizaines d’expériences qui ont confirmé l’échec du pari sur la réalisation du développement, de l’unité ou de la cause palestinienne en négligeant le contrat démocratique.Parier sur un tyran juste est, en profondeur, reconnaître l’incapacité à cristalliser des projets et des visions et à mener une large bataille de sensibilisation du public.

Au contraire, il remplace tout cela par une politique trompeuse autour et au sein du pouvoir.Nous répétons les mêmes erreurs et nous « nous faisons piquer du même terrier des dizaines de fois ».

Certaines forces à la fin des années 80 imaginaient qu’elles pourraient utiliser Ben Ali, alors qu’elles le considéraient sans projet. Et maintenant, nous pouvons savoir qui a utilisé qui et voir si le pays et la culture politique ont gagné quelque chose à la promotion des politiques d’opportunisme et de tromperie.La politique de positionnement et de s’appuyer sur l’État face à Ennahda a retardé l’enjeu de la démocratie et laissé des blessures dans le corpus social dont nous ne nous sommes pas encore remis.

Certes, le mouvement Ennahda a commis de nombreuses erreurs au cours de la dernière décennie, et j’ai alerté de nombre de ces erreurs lorsque j’en étais l’un des leaders et après ma démission.

J’espère qu’il tirera les leçons de sa gestion politique et des messages qui lui ont été adressés le 25 juillet.

En effet, toute l’opposition à Ennahda n’est pas fondée sur son identité, mais plutôt une opposition politique au niveau national à cause de ses pratiques.

D’un autre côté, je préviens, avec le même degré de clarté, que s’engager dans la politique en s’opposant simplement au mouvement Ennahda, en remettant en cause son droit à exister, en rejetant son activité légale et en employant des agences de l’État, peut menacer la paix civile et freiner les efforts de réforme sérieux. Je sais que de nombreux démocrates parient désormais sur un processus accompagnant les actions du président, et donc ils recherchent des garanties et atténuent la violation de la constitution.

Malheureusement, je ne suis pas aussi optimiste qu’eux, et je ne suis pas certain de la justesse de leur pari, pour une raison simple : le Président de la République a un « projet » consistant à dissoudre progressivement le Parlement et à essayer d’imposer une constitution – il a déjà une alternative –, donc le délai des trente jours n’est qu’une plaisanterie.Il faut décrire les choses telles qu’elles sont et faire une résistance politique pacifique que de s’accrocher à quelques illusions et de mourir ensuite dans le regret.

Certains acteurs indisciplinés affiliés au président ont déjà commencé à terroriser les citoyens dans les quartiers, et la répression est de retour dans certains enclos.

Le discours haineux peut pousser les membres de certaines agences à transgresser, et alors les choses peuvent devenir incontrôlables par tous les démocrates.

Par ailleurs, on craint, dans ce cas, que les masses, à qui l’espoir est accordé de nouveau, soient trompées par un discours populiste qui soulève des slogans et échoue ensuite à les réaliser.

Dans ce cas de figure, nous retournerons à nouveau au carré de la répression officielle.Par conséquent, je considère que la vraie solution – le choc qui pourrait nous sortir de l’impasse – et la position que devait prendre le président dimanche 25 juillet dernier, est d’annoncer l’échec de tout le système 2019.

Ensuite, préparer le pays au référendum constitutionnel, suivi de près par des élections législatives et présidentielle. Ce serait là la réaction correcte d’une partie qui assume ses responsabilités et estime correctement l’ampleur de la crise.

Ce serait aussi l’approche la plus éthique.Entre temps, il faut que le parlement revienne en session. Je sais que c’est un mauvais parlement, mais je n’ai jamais appris à me soumettre à une personne unique.Ainsi m’a enseigné la révolution.La faiblesse de la mémoire et la misère de la conscienceLa crise en Tunisie s’est aggravée depuis plus d’un an et a pris un caractère complexe où se mêlent les enjeux sanitaires, financiers, socio-économiques, éthiques et moraux.

De commun accord, l’approche politique adoptée en guise de solution était un test de la capacité de l’establishment issu des élections de 2019, de coexister et de fonctionner efficacement.

Seul objectif : répondre aux besoins les plus importants des électeurs. En particulier : le désir de changement, et l’exigence de la dignité.Les initiatives pour rassembler les principaux partis autour d’une table de dialogue et définir une feuille de route pour éviter l’effondrement ont été nombreuses.

Toutefois, elles ont toutes échoué en raison de la prédominance de la mentalité de la domination et de lutte pour le pouvoir. L’absence d’un minima de confiance et de la tyrannie des egos ont dominé le débat.

Tant et si bien, qu’une simple rencontre entre les premiers responsables de l’État devienne un événement digne d’un plébiscite, et de célébrations sur les pages Facebook.Des dizaines de personnages – ceux qui bâtirent d’État – « faisaient la manche », escomptant une réunion de dix minutes, pour présenter un point de vue et exprimer leur volonté d’aider à résoudre la crise. Bilan : un silence oppressant.Le président avait exprimé sa position, et son contraire, durant le dialogue national.

Le pays a perdu un temps précieux à cause de cela. Et les relations entre les différentes parties se sont détériorées.Il est important de rappeler deux conclusions principales, auxquelles nous sommes parvenus au cours des derniers mois au milieu d’une rafale d’analyses et de situations, pour stimuler la mémoire :Premièrement : le système électoral de 2019 n’avait d’autre choix que la coexistence responsable sur la base de la clarté du programme congru et des pouvoirs incombant à chacun. L’alternative était le désengagement – courageux – en reconnaissant l’incapacité à diriger le pays.

Ensuite, ramener la problématique aux électeurs, pour qu’ils tranchent dessus.Deuxièmement : La situation putride est imputable à l’ensemble du système électoral de 2019, de par son poids et son impact.

La lumière est maintenant faite sur la responsabilité du Parlement, en particulier du premier parti. C’est une responsabilité fondamentale sur laquelle on ne peut revenir, et nous avons annoncé nos positions à ce sujet par des déclarations et par écrit à l’époque.Cependant, la responsabilité principale du Président de la République, qui a été stipulée par un consensus similaire pendant des semaines, a été scrupuleusement couverte et traitée en catimini.

La raison : son incapacité à représenter tous les Tunisiens, à mener des dialogues, à apporter des points de vue, à arbitrer, et pour d’autres raisons liées à son performance politique et diplomatique, politique de communication, méthodologie et mécanismes de travail (la composition du Bureau, sa stabilité et son ouverture sur l’environnement politique, universitaire et médiatique) et sa tentative d’impliquer les institutions sécuritaires et militaires dans l’inter-mêlée.

Constater l’échec de la possibilité de coexistence entre le Parlement, le gouvernement et le président devait conduire à la nécessité de s’entendre sur des élections prématurées après avoir préparé le terrain pour cela, mais cette option avance également à pas de tortue.

Dès lors, tout le monde s’attendait à un effondrement total dû à l’aggravation de la crise et aux falsifications, ou à un désordre populaire généralisé apparu dans les mouvements de quartiers à l’occasion de l’anniversaire de la révolution, ou à une intervention militaire, que beaucoup souhaitent, pour arrêter l’effondrement et la frivolité.Le pays avait besoin d’être secoué après tant de temps perdu et de badineries.

Les mesures annoncées par le chef de l’Etat le 25 juillet ont joué psychologiquement ce rôle, mais c’était moralement et politiquement répréhensible, les potentielles conséquences seraient sans doute dangereuses.Ces mesures reposent sur une tromperie originale, car elles tiennent pour responsables le Parlement, le gouvernement et les partis. Bien sûr, ils portent tous une grande responsabilité. En revanche, le président, qui n’a pas rempli son rôle et s’est même investi pour aggraver la situation, a été, de facto, acquitté.Il est important pour nous de rappeler ce fait afin de déterminer la position politique appropriée. De plus, ces mesures représentent un coup d’Etat constitutionnel, indubitablement.

Peut-être que je comprends la sous-estimation de la violation flagrante du texte de la constitution, violation qui se poursuit encore, si l’initiateur était extérieur au système. Mais je ne peux l’appréhender dans l’état, puisque l’initiateur est le Président de la République qui aurait pu rattraper la situation avant qu’elle ne s’aggrave.

Je ne peux pas non plus comprendre la description appropriée des mesures qui engloutissent l’État et le dissolvent dans un individu. Dans les violations des constitutions, il n’est pas possible de faire la distinction entre « petit » et « grand ».Force est de constater que l’humeur populaire dans notre région est hantée par la recherche d’un sauveur, qui est l’une des principales conclusions des élections de 2019. Malheureusement, l’élite est aussi toujours hantée par la théorie du « tyran juste ». C’est-à-dire qu’elle n’absorbe pas les leçons de dizaines d’expériences qui ont confirmé l’échec du pari sur la réalisation du développement, de l’unité ou de la cause palestinienne en négligeant le contrat démocratique.Parier sur un tyran juste est, en profondeur, reconnaître l’incapacité à cristalliser des projets et des visions et à mener une large bataille de sensibilisation du public.

Au contraire, il remplace tout cela par une politique trompeuse autour et au sein du pouvoir.Nous répétons les mêmes erreurs et nous « nous faisons piquer du même terrier des dizaines de fois ».

Certaines forces à la fin des années 80 imaginaient qu’elles pourraient utiliser Ben Ali, alors qu’elles le considéraient sans projet. Et maintenant, nous pouvons savoir qui a utilisé qui et voir si le pays et la culture politique ont gagné quelque chose à la promotion des politiques d’opportunisme et de tromperie.La politique de positionnement et de s’appuyer sur l’État face à Ennahda a retardé l’enjeu de la démocratie et laissé des blessures dans le corpus social dont nous ne nous sommes pas encore remis.Certes, le mouvement Ennahda a commis de nombreuses erreurs au cours de la dernière décennie, et j’ai alerté de nombre de ces erreurs lorsque j’en étais l’un des leaders et après ma démission.

J’espère qu’il tirera les leçons de sa gestion politique et des messages qui lui ont été adressés le 25 juillet. En effet, toute l’opposition à Ennahda n’est pas fondée sur son identité, mais plutôt une opposition politique au niveau national à cause de ses pratiques. D’un autre côté, je préviens, avec le même degré de clarté, que s’engager dans la politique en s’opposant simplement au mouvement Ennahda, en remettant en cause son droit à exister, en rejetant son activité légale et en employant des agences de l’État, peut menacer la paix civile et freiner les efforts de réforme sérieux. Je sais que de nombreux démocrates parient désormais sur un processus accompagnant les actions du président, et donc ils recherchent des garanties et atténuent la violation de la constitution.

Malheureusement, je ne suis pas aussi optimiste qu’eux, et je ne suis pas certain de la justesse de leur pari, pour une raison simple : le Président de la République a un « projet » consistant à dissoudre progressivement le Parlement et à essayer d’imposer une constitution – il a déjà une alternative –, donc le délai des trente jours n’est qu’une plaisanterie.Il faut décrire les choses telles qu’elles sont et faire une résistance politique pacifique que de s’accrocher à quelques illusions et de mourir ensuite dans le regret.Certains acteurs indisciplinés affiliés au président ont déjà commencé à terroriser les citoyens dans les quartiers, et la répression est de retour dans certains enclos.

Le discours haineux peut pousser les membres de certaines agences à transgresser, et alors les choses peuvent devenir incontrôlables par tous les démocrates. Par ailleurs, on craint, dans ce cas, que les masses, à qui l’espoir est accordé de nouveau, soient trompées par un discours populiste qui soulève des slogans et échoue ensuite à les réaliser. Dans ce cas de figure, nous retournerons à nouveau au carré de la répression officielle.

Par conséquent, je considère que la vraie solution – le choc qui pourrait nous sortir de l’impasse – et la position que devait prendre le président dimanche 25 juillet dernier, est d’annoncer l’échec de tout le système 2019. Ensuite, préparer le pays au référendum constitutionnel, suivi de près par des élections législatives et présidentielle. Ce serait là la réaction correcte d’une partie qui assume ses responsabilités et estime correctement l’ampleur de la crise.

Ce serait aussi l’approche la plus éthique.Entre temps, il faut que le parlement revienne en session. Je sais que c’est un mauvais parlement, mais je n’ai jamais appris à me soumettre à une personne unique.Ainsi m’a enseigné la révolution.