Blanchiment d’argent, trafic de devises, implication dans des affaires de terrorisme, ce sont des soupçons qui pèsent sur certains juges tunisiens.

Des soupçons qui ont fait couler beaucoup d’encre et défrayer les chroniques, ces derniers temps. La dernière affaire en date, est celle d’une magistrate qui a été appréhendée, le 10 Août courant, par une patrouille relevant de l’unité d’investigation douanière de Monastir, sur l’autoroute reliant la ville d’El Jem à Sfax.

Après vérification, les agents ont trouvé un sac sur le banc arrière de la voiture conduite par la magistrate, contenant une somme d’argent en devises étrangères et une autre en dinars tunisiens. Informé, le Conseil de la justice judiciaire a décidé, hier, de lever l’immunité de la juge et de la suspendre, en attendant le complément de l’enquête.

Avant cette affaire, le 13 Juillet 2021, le Conseil de la justice judiciaire, a décidé de suspendre l’ancien procureur de la république près le Tribunal de première instance de Tunis, Bechir Akremi, en charge également du pôle judicaire économique et financier et du pôle anti-terroriste et il a transféré son dossier devant le parquet.

Akremi est accusé, entre autres, d’avoir dissimulé des preuves importantes dans les affaires de l’assassinat de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi

Le porte-parole officiel du Tribunal administratif de Tunis, Imed Ghabri, a indiqué à « JDD Tunisie » que l’ancien procureur de la république a présenté deux recours en appel.

Le premier concerne l’arrêt de l’exécution de la décision du Conseil supérieur de la magistrature, qui l’avait suspendu de ses fonctions.

Le deuxième est en relation avec la décision du ministre chargé de l’intérieur de le placer en résidence surveillée. Il a ajouté que le tribunal administratif rendra sa décision dans un délai d’un mois ou plus.

A son tour, le premier président de la Cour de cassation Taieb Rached, accusé de corruption et de blanchiment d’argent, a vu son immunité levée, le 20 novembre 2020, par le Conseil de la justice judiciaire et a chargé le parquet près le Tribunal de première instance de Tunis d’instruire le dossier.

Anas Hmaidi: » Le pouvoir judiciaire doit être exempt de tout type de corruption »

Dans une déclaration accordée à « JDD Tunisie », le président de l’Association des magistrats tunisiens (AMT) a précisé que : « Tout juge impliqué dans toute sorte d’erreurs, de crimes ou de fautes, aux exigences de l’autorité à laquelle il appartient, assume l’entière responsabilité, de ses actes et de ses agissements ».

Il a ajouté que « le pouvoir judiciaire doit être exempt de tout type de corruption et doit respecter les règlements professionnels et légaux. Bien évidemment, nous protégeons les juges impartiaux, honnêtes et intègres, mais en contrepartie, nous n’offrons aucune sorte de protection à ceux qui sont soupçonnés d’alignements politiques ou partisans ou d’implications dans des crimes : terrorisme, corruption financière, blanchiment d’argent…»

Pour avoir un autre son de cloche, nous avons essayé de contacter Amira Amri, présidente du Syndicat des magistrats tunisiens (SMT), sans arriver à la joindre.

45 juges contestent les décisions de Kais Saied

Sur un autre plan, 45 juges ont publié une pétition dans laquelle ils contestent les décisions prises par le président de la République Kais Saied contre certains de leurs collègues dont la mise en résidence surveillée et l’interdiction de voyage.

« Cette pétition ne nous représente pas. C’est « un acte individuel » de la part de certains juges et qui n’émane d’aucun cadre institutionnel, a précisé le président de l’Association des magistrats tunisiens (AMT) Anas Hmaidi.

Les affaires de Bechir Akremi, Taieb Rached et de la juge d’hier ont créé une polémique au point que certains doutent de la crédibilité de la justice tunisienne qui se trouve « dans des eaux troubles. »