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La crise entre l’Union Générale Tunisienne du Travail et le pouvoir : un conflit qui attise les crises et complique le paysage politique

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Dans un paysage qui reflète les complexités de la phase de transition que traverse la Tunisie depuis la révolution de 2011, les tensions s’intensifient entre l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), le plus grand syndicat du pays, et le pouvoir actuel dirigé par le président Kaïs Saïed. Cette crise n’est pas récente, mais plutôt le résultat d’accumulations politiques, économiques et sociales, rappelant des conflits historiques entre le syndicat et le pouvoir, mais dans un contexte nouveau marqué par des défis sans précédent.
Les racines de la crise : entre passé et présent
L’UGTT, fondée en 1946, a toujours joué un rôle central dans le paysage politique et social tunisien. Elle a été un partenaire clé dans les luttes pour l’indépendance, puis dans la construction de l’État moderne, et également dans la révolution de 2011 qui a renversé le régime de Zine El Abidine Ben Ali. Cependant, la relation entre le syndicat et le pouvoir a toujours été problématique, oscillant entre coopération et confrontation.
Aujourd’hui, cette problématique s’aggrave dans un contexte économique difficile, où la Tunisie souffre d’une crise financière paralysante, avec un taux de chômage atteignant 16 % et une dette publique dépassant 100 % du PIB. Dans ce contexte, l’UGTT estime que les politiques du gouvernement, soutenues par le Fonds Monétaire International (FMI), menacent les acquis sociaux de la classe ouvrière et aggravent la détérioration des conditions de vie.
Les étapes récentes de l’escalade
La crise s’est intensifiée ces derniers mois, avec l’annonce par le gouvernement de réformes économiques incluant le gel des salaires et la réduction des subventions sur les produits de base, dans le cadre des conditions du FMI pour obtenir un prêt de sauvetage. L’UGTT, qui compte plus d’un million de membres, a rejeté ces réformes, les qualifiant d' »antisociales » et de « menaces pour la paix sociale ».
En mai 2023, l’UGTT a organisé une grève générale qui a paralysé la vie publique dans plusieurs villes tunisiennes, avec la participation de milliers de fonctionnaires et de travailleurs des secteurs public et privé. Le pouvoir a répondu en accusant le syndicat de « saper la stabilité » et de « politisation excessive », ce qui a accru la polarisation entre les deux parties.
Le pouvoir et l’UGTT : un conflit de légitimité
Au cœur de cette crise, le conflit entre l’UGTT et le pouvoir semble dépasser les aspects économiques pour devenir une lutte de légitimité et d’influence. Le président Kaïs Saïed, arrivé au pouvoir en 2019 puis renforçant ses prérogatives après les mesures du 25 juillet 2021, cherche à asseoir sa légitimité en tant que « défenseur de l’État » face à ce qu’il qualifie de « factions corrompues ». De son côté, l’UGTT se considère comme le « défenseur du peuple » face à des politiques d’austérité qu’il juge injustes.
Ce conflit de légitimité place l’UGTT en confrontation directe avec le pouvoir, d’autant plus que le syndicat a rejeté les modifications constitutionnelles approuvées par le président Saïed en 2022, les qualifiant de « recul par rapport aux acquis de la révolution ».
Les répercussions de la crise sur le paysage tunisien
Les répercussions de cette crise ne se limitent pas au plan politique, mais s’étendent à l’économie et à la société. La Tunisie, qui souffre déjà d’une crise de liquidité paralysante, pourrait connaître une détérioration supplémentaire si la confrontation entre le syndicat et le pouvoir persiste. Par ailleurs, le mécontentement social grandit, notamment face à la hausse des prix et à la détérioration du pouvoir d’achat des citoyens.
D’un autre côté, cette crise reflète une division profonde dans le paysage politique tunisien, où de nombreux Tunisiens se retrouvent pris entre le marteau des politiques d’austérité et l’enclume d’un syndicat qui se considère comme leur dernier rempart.
Y a-t-il une issue à la crise ?
Dans cette situation tendue, la seule solution réside dans un dialogue sérieux entre l’UGTT et le pouvoir. La Tunisie ne peut pas se permettre une escalade supplémentaire, surtout face aux défis régionaux et internationaux auxquels elle est confrontée. L’UGTT, avec sa force organisationnelle et sa popularité, pourrait être un partenaire dans la recherche de solutions à la crise économique, mais cela nécessite que le pouvoir écoute les revendications du syndicat et respecte son rôle en tant que partenaire social.
De son côté, le pouvoir doit adopter des politiques plus inclusives, prenant en compte la dimension sociale des réformes économiques, afin d’éviter un éventuel explosion sociale.
La crise entre l’UGTT et le pouvoir n’est pas simplement un conflit syndical-gouvernemental, mais le reflet d’une crise plus profonde dans le processus de transition démocratique en Tunisie. En l’absence de dialogue et de confiance entre les parties, la Tunisie reste au bord du précipice. Cependant, l’histoire a prouvé que le syndicat et le pouvoir sont capables de surmonter leurs différences lorsque l’intérêt du pays est en jeu. Alors, allons-nous tirer les leçons du passé ou répéter les erreurs ? La question reste posée dans un paysage politique et économique rempli de défis.