Par Soufiane Ben Farhat
Les responsables tunisiens, tous pouvoirs confondus, s’abîment volontiers dans les joutes politiciennes. Ils tournent le dos aux réformes et priorités économiques. Incapables d’en concevoir, en manque de projets et de vision, ils gèrent le vide et les ministères de la parole. Pourtant, tout autour de nous, le monde bouge. L’après-Covid s’annonce particulièrement prometteur en matière de relance économique, de nouveaux projets et de nouveaux échanges. Il semble toutefois que les Tunisiens aient préféré, et pour longtemps, le parti de l’inertie au détriment du parti du mouvement.
L’exemple vient d’Afrique
Plusieurs pays africains défrayent la chronique. Qu’il s’agisse de l’Egypte, de l’Ethiopie ou de la Namibie, c’est le même topo. L’heure est aux grandes réformes et aux grands projets structurants.
Ainsi apprend-t-on qu’en six ans, l’Egypte est passée du 118e au 28e rang dans le classement mondial des meilleures routes. Elle a mis en branle, dès 2014, un plan décennal pour le développement des infrastructures de transport, d’une valeur globale de 70 milliards de dollars et portant sur 7.000 km de nouvelles routes. Son réseau routier comprendra bientôt 30.500 km. Début 2021, l’objectif est atteint à près de 70%.
Ce faisant, l’Egypte talonne la Namibie où la modernisation des infrastructures routières est un véritable pilier du développement économique.
Aux dires des agences spécialisées et des observateurs avertis, La Namibie a conservé, pour la cinquième année consécutive, sa position en tête de la liste des meilleures infrastructures routières en Afrique. Selon le « Global Competitiveness Report » du Forum économique mondial,
la Namibie devance l’Afrique du Sud et le Rwanda sur le plan continental. Elle occupe le 23e rang mondial devant des géants économiques comme que la Chine, l’Inde et l’Italie, respectivement classés 42e, 46e et 56e.
Tâtonnements
Sous nos cieux, c’est encore le vide. Qu’il s’agisse des infrastructures routières ou des technologies de la communication, on en est encore à la case Jurassic Park. La semaine écoulée, les Tunisiens se sont gaussés à satiété du gouvernement qui a mis au point deux nouveaux projets de loi relatifs aux drones. L’un d’eux contient 91 articles, relatifs aux restrictions et contraintes de l’utilisation des drones, considérés ailleurs comme des jeux d’enfants et se vendant à près de 10 dollars parfois.
En même temps, les Big Five ou Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) qui dominent le marché du numérique international en perpétuel redéploiement, ont un destin mendiant chez nous. Le haut débit fait défaut, Paypal et les plateformes de paiement électronique sont encore interdits, le commerce électronique est encore boiteux. Les bureaucrates de l’administration centrale s’accrochent toujours à la loi du change qui date de… 1976 !
Joutes byzantines
C’est dire l’étendue de la débâcle. La sous-utilisation chronique des ressources n’en finit pas de grever l’économie et de perpétuer les blocages économiques dus à l’absence d’investissements et de créations d’emplois, à la stagnation des exportations et au périlleux glissement du Dinar. Ses contrecoups pervers sont les flambées de violences sporadiques qui secouent différentes régions du pays par intermittence. Les hauts responsables sont toujours prisonniers des menottes spéculatives des théories et réglementations éculées d’un autre âge. Ils se complaisent dans l’inertie et passent le plus clair du temps soit à s’ingénier à acheter la paix sociale à tout prix, soit à réprimer les inévitables mouvements sociaux protestataires.
Les récentes crises relatives à la compagnie aérienne nationale Tunisair sont symptomatiques de l’absence d’une vision globale de projets structurants embrassant les infrastructures routières et ferroviaires, le transport aérien, l’open Sky et les échanges de biens, de services et de personnes. Cela grève aussi bien le tourisme que l’agriculture, les exportations et les services.
Nos hauts responsables ont d’autres chats à fouetter. Tels les Byzantins jadis, ils s’opposent dans d’interminables et cruelles querelles sur le sexe des anges.
S.B.F