Par : Kamel Zaiem

Il a promis de « nettoyer » le pays et de le libérer des tentacules de la pieuvre qui le prend en otage depuis une dizaine d’années et il semble déterminé à tenir ses promesses même si la manière laisse parfois à désirer.

Un mal nécessaire

L’arrestation de Nabil Karoui et de son frère Ghazi en Algérie, cachés dans un appartement à Tbessa, fait encore une fois parler des décisions d’interdiction de voyage décidée par le ministère de l’Intérieur.

Alors que des voix s’élèvent pour condamner cette décision qui demeure, pour eux, superflue et floue et sans réel fondement juridique, la fuite des frères Karoui à travers les frontières tuniso-algériennes intervient pour relancer le débat sur l’implication d’un grand nombre de politiciens et d’hommes d’affaires dans des faits en relation avec la corruption, les malversations et d’autres nombreux dérapages.

On a souvent entendu Nabil Karoui nier toute implication dans ces affaires de corruption économique et politique et clamer son innocence pour aller directement accuser ses adversaires de lui vouloir du mal. Comment interpréter, dès lors, l’information de sa fuite illégale en Algérie, où il a déjà des comptes à régler avec la justice de ce pays voisin, en compagnie de son frère et de quelques membres de sa famille ?

Comment les frères Karoui ont-ils réussi à passer les frontières?

Et pourtant, ils continuent à dénoncer

Comment va-t-on parler de présomption d’innocence pour de tels hommes politiques devenus des spécialistes en mensonge, en fourberie et en affabulation à l’image d’un Nabil Karoui qui se présente toujours dans l’habit d’une victime constamment visée par le pouvoir en place.

Il y a seulement quelques jours, Oussama Khelifi, le numéro deux du parti Qalb Tounès, actuellement en France depuis le 15 juillet pour… préparer la rentrée scolaire de ses enfants, prétendait être en contact direct et quotidien avec le leader du parti Nabil Karoui alors que ce dernier se cachait après avoir franchi illégalement les frontières.

Ce sont ces gens-là qui continuent à condamner le recours de Kaïs Saïed à l’interdiction de voyage ou à la résidence surveillée alors qu’il est de plus en plus évident que ceux qui se sentent coupables et ceux qui ont peur de voir la justice se saisir de leurs dossiers essaient par tous les moyens de dénoncer ces procédures décidées dans un contexte exceptionnel, de prétendre être « propres » tout en cherchant à quitter le pays par tous les moyens.

Un droit incontestable, mais…

Et là, on peut retenir les propos du dirigeant nahdhaoui Abdellatif Mekki qui a dénoncé le recours des hommes politiques et hommes d’affaires à fuir le pays s’ils se considèrent propres et innocents. Il vise par sa déclaration Nabil Karoui, fraîchement arrêté en Algérie et on tient à savoir quel serait son avis lorsque certains dirigeants nahdhaouis vont se trouver contraints à rendre des comptes comme le promet le président de la République qui attend tout ce beau monde au tournant.

Certes, le droit de voyage est incontestable, mais dans une situation exceptionnelle comme celle de notre pays, d’autres priorités sécuritaires et judiciaires doivent primer pour le bien du pays et pour empêcher ceux qui ont commis des délits de déguerpir et de disparaître de la circulation.

Et il ne s’agit pas uniquement des frères Karoui car les « prétendants » au voyage pour fuir la justice sont beaucoup plus nombreux et l’autorité en place ne doit pas lésiner sur les moyens pour empêcher ces fuyards en sursis d’aller au bout de leurs intentions.

Et que les politiciens, les juristes et les défenseurs des corrompus se taisent pour laisser la justice faire son boulot. Les citoyens, sortis acclamer l’initiative de Kaïs Saïed le soir du 25 juillet 2021 ne pardonneront pas au président de la République toute négligence ou hésitation dans ce dossier de corruption qui a mis le pays à genoux.

Les Tunisiens exigent de Saïed d’aller au bout de la purge

Un nécessaire travail de sape

Ainsi, on ne peut, pour le moment, qu’encourager les parties concernées à faire ce travail de sape avec toutes les garanties de ne laisser aucun suspect quitter le pays.

Certes, il n’est pas facile de digérer une atteinte au droit de tout citoyen de voyager et c’est Kaïs Saïed en personne qui l’a dit, mais s’agissant d’une période exceptionnelle permise par la Constitution, les citoyens ne peuvent qu’adhérer à cette pratique, à condition qu’elle soit réellement exceptionnelle, qu’elle soit limitée dans le temps et qu’elle se pratique dans une totale transparence.

Il en est de même pour les autres mesures qui touchent aux principes de la liberté, mais comme c’est le cas pour le droit au voyage, les exceptions, dans un état exceptionnel sont tolérables à condition que ces procédures ne durent pas une éternité.

Cette affaire des frère Karoui est venue confirmer l’état des lieux d’une classe politique pourrie. L’heure des comptes a sonné et il faut laisser la justice jouer son rôle convenablement pour pouvoir passer, le plus tôt possible, aux étapes suivantes, qui nécessiteront beaucoup de travail dans un contexte plus avantageux afin de pouvoir relever les défis qui nous attendent.

K.Z.