Le remaniement ministériel qui a défrayé la chronique au cours des dernières semaines, a été finalement annoncé le vendredi 16 janvier. Une première lecture de ce jeu de chaises musicales laisse croire que le chef du gouvernement qu’on avait présenté, au moment de sa nomination, comme étant l’ombre désignée et l’alter égo du président Kaïs Said, a définitivement choisi la voie de la rupture, pour creuser son sillon dans l’ombre des apôtres de la particratie Rached Ghannouchi et Nabil Karoui.

Le locataire de la Kasbah s’est en effet débarrassé de la totalité des ministres qui lui avaient été imposés, en août dernier, par le palais de Carthage. La liste des partants comprend, en somme, les ministres connus pour leur proximité avec le président de la République. Ce sont ces mêmes ministres qui ont été visés par Hichem Mechichi lorsqu’il a consigné, fin septembre dernier, à son équipe de le tenir au courant «au préalable de tous leurs échanges avec la présidence de la République».  Le chef de l’exécutif avait également demandé alors à ses ministres de «le consulter, au préalable, avant de répondre par l’affirmative aux invitations du président de la République, et de le tenir également au courant, par la suite, de tous les points qui auront été évoqués avec lui».  

Le passage des «hommes du président» à la trappe était au centre du marché conclu entre le chef du gouvernement et le triumvirat Ennahdha, Qalb Tounes-Al-Karama qui  avait accordé la confiance à son équipe. On se rappelle, en effet, que le président de Qalb Tounes, Nabil Karoui, avait déclaré en marge de la plénière consacrée au vote de confiance au gouvernement que sept ministres choisis par le palais de Carthage seront remplacés lors du prochain remaniement ministériel.

Des indépendants proposés et «bénis» par des partis

Lors de la présentation des nouveaux arrivants, le chef du gouvernement a insisté sur l’indépendance de son équipe et le caractère «apolitique» de son cabinet. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres!

Plusieurs nouveaux ministres sont en effet connus pour leur proximité d’Ennahdha et de Qalb Tounes. C’est, entre autres, le cas d’Oussama Kheriji, le nouveau ministre de l’Agriculture, qui avait déjà occupé ce même poste dans le gouvernement d’Elyès Fakhfakh, Youssef Zouaghi (Justice), qui avait été proposé à deux reprises par le parti islamiste pour diriger le ministère de l’Intérieur.

Qalb Tounes compte au moins deux «sous marins» dans la nouvelle équipe gouvernementale. Il s’agit de Sofiène Ben Tounes (Industrie et mines), dont le nom figurait parmi les membres de la campagne de Nabil Karoui pour la présidentielle, et Zakaria Belkhodja, qui était jusque-là l’un des conseillers du chef du gouvernement.  

Alors que Hichem Mechichi, qui est officiellement devenu un otage du front Ennahdha-Qalb Tounes-Al Karama, semble prêt à aller jusqu’au bout dans sa confrontation avec le président de la République, une question reste en suspens : Quelle serait la réaction du président de la République qui avait mis en garde le 31 août dernier, soit  la veille de la séance plénière consacrée au vote de confiance au gouvernement, contre un éventuel remaniement ministériel ?  «Il n’est pas question de faire passer le gouvernement, puis le remanier après une courte période», avait alors averti le chef de l’Etat lors d’une réunion tenue au palais de Carthage avec les présidents des partis politiques et des blocs parlementaires. La confrontation entre les deux têtes de l’exécutif risque-t-elle de reprendre de plus belle ?