Par : Kamel Zaiem

Dimanche 20 juin 2021, le Journal télévisé de 20h. ça fait déjà quelques heures que la tenniswoman tunisienne Ons Jabeur venait d’entrer dans l’histoire du tennis mondial, étant la première joueuse arabe à remporter un tournoi et un titre sur le circuit WTA. Quoi de mieux pour orner un journal amorphe où les activités et les faits traduisent le stress et la morbidité de tous les jours.

A la surprise générale, le volet sportif du journal s’est limité aux deux rencontres de football des demi-finales de la coupe de Tunisie, curieusement transformée en coupe Salah Ben Youssef, au gré des désirs du président de la FTF.

Un journal manipulé et dépassé

Eh oui, Ons Jabeur ne figurait pas sur le carnet des priorités de l’équipe rédactionnelle du Journal télévisé, noyé lui-aussi dans le populisme qui fait des déchets du football le bouquet officiel du jour, se permettant le luxe d’une information qui a circulé partout dans le monde du sport, sauf en Tunisie, la Patrie de la vaillante Ons Jabeur.

Et pourtant… Ons venait de réaliser le rêve de toute la nation arabe en matière de sport féminin. La joueuse tunisienne a remporté à Birmingham le premier titre de sa carrière sur le circuit de la WTA en battant en finale la Russe Daria Kasatkina en deux sets (7–5, 6–4). Ainsi, Ons Jabeur est devenue la première femme arabe à remporter un titre sur le circuit WTA grâce à cette victoire en finale après avoir échoué dans deux autres finales précédentes, à Charleston il y a quelques mois et à Moscou en 2018 face à la même kasatkina.

C’est dire que cette impressionnante championne a la peau dure et ne baisse jamais les bras ; Elle a attendu son heure pour prendre sa revanche et pour écrire une belle page de l’histoire du sport féminin arabe.

Ignorée mais de plus en plus déterminée

Celle qui continue à être ignorée par les autorités sportives officielles en Tunisie et par certains médias qui ne connaissent du sport que le mièvre football et ses déboires et piètres prestations, l’a amèrement rappelé après son premier sacre : « Je savais que je devais foncer, je devais gagner ce titre pour enfin respirer et donner l’exemple. Il n’y a pas beaucoup de Tunisiennes ou d’Arabes qui jouent à ce niveau, alors j’espère que cela pourra les inspirer et les stimuler, pour peu qu’ils bénéficient de plus d’intérêt et d’encouragements, et je veux voir plus de joueurs et de joueuses arabes et tunisiens jouer avec moi sur le circuit. »

Mieux encore, La Tunisienne est en bonne forme cette saison puisqu’elle détient le record de nombres de matches gagnés (28), à égalité avec l’actuelle n°1 mondiale, Ashleigh Barty.

C’est dans ce contexte d’indifférence que cette précieuse réussite sportive est venue secouer un pays asphyxié par ses différentes crises, économique, politique, sanitaire et sociale.

Certes, les citoyens, férus de sport ou pas nécessairement, ont accueilli cet exploit avec joie et fierté. Ils ont tous vu à la télé la grandeur de ce succès dans un tournoi qui réunit les meilleures joueuses du tennis mondial et qui fut transmis en direct par les plus connues des chaines de télévision à travers le monde.

Pas dans leurs agendas

Bravo pour Ons qui est parvenue, comme elle sait souvent le faire, à nous redonner du sourire et de l’espoir au moment où la Tunisie baigne dans la morosité et le désespoir, devenu le pain quotidien d’un peuple victime de sa classe politique qui fait tout pour faire de ce désespoir une fatalité à laquelle nul ne peut échapper.

Il s’agit, en fin de compte, d’une bouffée d’oxygène pour un pays qui peine à préserver son identité basée sur l’ouverture, la modernité et la tolérance. Ces performances à répétition de la formidable Ons Jabeur traduisent  également la réussite, la persévérance et la détermination de la femme tunisienne, capable de créer l’exploit et de faire face à tous les défis. Une attitude qui ne plait pas à tout le monde dans un pays menacé de perdre ses valeurs et ses principes par la faute de gouvernants, d’opportunistes, d’ignares et d’extrémistes,  soucieux de servir d’autres agendas que celles de l’intérêt et la fierté du pays.

K.Z.