Tic-tac, tic-tac… Le compte à rebours est sur le point de s’achever. Le mardi 19 janvier 2020 à minuit, la Tunisie pourrait ne plus être en mesure de récupérer 224 millions de francs suisses (683 millions de dinars tunisiens) planqués par le clan Ben Ali dans des banques de la confédération helvétique avant la révolution, a rapporté le quotidien Suisse »Le Temps », le 14 janvier. Et pour cause : la durée légale du gel administratif de ces fonds détournés par le dictateur défunt et 36 de ses proches expirera le mardi 19 janvier à minuit.
L’ordonnance du Conseil fédéral suisse relative au gel des avoirs du clan Ben Ali a été en effet émise le 19 janvier 2011. Les personnes listées par l’ordonnance pourraient ainsi récupérer dans quelques jours ces avoirs détournés !
Selon l’ONG suisse Public Eye, l’autocrate et ses proches ont fait transiter 284 millions de francs (866 millions de dinars) par la place financière genevoise. Mais une partie des fonds, évaluée à 60 millions de francs, a par la suite été bloquée sur ordre judiciaire et restera en sécurité quoi qu’il arrive. La levée du gel prévue dans quelques jours ne concernera de ce fait que 224 millions de francs.
Des députés tunisiens et suisses montent au créneau
Toutefois, la partie n’est pas définitivement perdue. Epaulés par des élus verts suisses, des députés tunisiens s’activent pour empêcher la levée du gel des fonds détournés. Mounira Ayari, députée du Bloc démocratique et représentante des Tunisiens de Suisse, a déclaré aux médias genevois que son parti «a sollicité officiellement l’Assemblée fédérale dans une lettre datée du 11 janvier pour demander une prorogation du gel administratif et une aide accrue pour répertorier les avoirs du clan Ben Ali».
La députée tunisienne envisage aussi de déposer un recours avec des victimes de l’ancien régime pour relancer le blocage des fonds.
De leur côté, Omar Azzabi et Nicolas Walder, des élus verts suisses, ont demandé au conseil fédéral de prolonger l’ordonnance administrative relative au gel des avoirs de Ben Ali et ses proches en Suisse.
Les efforts des députés risquent de ne pas aboutir
Les efforts déployés par les élus suisses et tunisiens risquent cependant de ne pas aboutir.
«Dix ans après le blocage administratif, on ne peut pas dire que le gouvernement tunisien ait été pris au dépourvu», souligne Laurent Wehrli, conseil du Parti libéral vaudois (PLR/VD) et membre la Commission de politique extérieure. Et de renchérir : «Je comprends tout à fait la question morale. Mais cette procédure doit être vue sous l’angle juridique. Si le Conseil fédéral prolonge le blocage en l’absence de base légale, la famille Ben Ali pourrait lui intenter un procès et gagner devant le Tribunal fédéral. Cela créerait un énorme pataquès».
Pour Laurent Wehrli, «seule une demande des autorités tunisiennes pourrait permettre à la Suisse d’agir. Mais problème, c’est que la dernière requête ne provient pas du gouvernement, mais de simples députés».
Manque de réactivité du gouvernement tunisien
Du côté du Département fédéral suisse des affaires étrangères (DFAE), on pointe le manque de réactivité du gouvernement tunisien au cours des dix dernières années. « L’action rapide du Conseil fédéral lors de la révolution a donné aux nouvelles autorités tunisiennes le temps nécessaire pour mettre en place une coopération judiciaire avec la Suisse. […] Une prolongation du blocage administratif n’est dès lors pas possible. Durant l’année écoulée, les autorités tunisiennes ont été sensibilisées par les autorités suisses à plusieurs reprises et à divers niveaux de l’expiration prochaine du blocage administratif», a expliqué une source au DFAE, citée par le journal Le Temps.