Par Soufiane Ben Farhat

Rien ne va plus. Ça part dans tous les sens. En réalité, la dernière semaine a mis en relief les carences économiques et politiques d’une classe politique aux commandes d’un État à la dérive. Les Tunisiens désespèrent. En effet, la politique politicienne s’offre en partage dans le registre de la violence et de la laideur.

L’impossible remaniement ministériel

En fait, annoncé le 16 janvier dernier, le remaniement ministériel demeure toujours en suspens. Pourtant, il n’embrasse pas moins de onze départements ministériels dont deux régaliens, la Justice et l’intérieur. Du coup, huit ministères sont administrés depuis plus de deux mois par intérim. Autrement dit, c’est le provisoire qui dure.

Le président de la République, M. Kaïs Saïed refuse toujours de présider la cérémonie de prestation du serment constitutionnel par lesdits ministres. En effet, de sérieux soupçons de conflits d’intérêts pèsent sur trois d’entre eux. Un quatrième est même déféré devant les tribunaux pour corruption.

Initialement, le chef de l’Etat les a pointés du doigt. De son côté, le chef du gouvernement, M. Hichem Mechichi, a refusé de les faire remplacer. Raison pour laquelle ils font toujours le pied de grue dans l’antichambre. Depuis, la position du président de la République est montée d’un cran. Il réclame mordicus la démission de tout le staff gouvernemental. Et c’est l’impasse.

Économie en naufrage

En définitive, nous frôlons le schéma grec. Mais plutôt à une cadence vertigineuse. Tous les indicateurs économiques sont au rouge vif. Pourtant, le gouvernement a entamé il y a deux jours une espèce de dialogue national économique réunissant les hommes d’affaires et les syndicats ouvrier et patronal. On voudrait bien y croire. Mais le chômage massif se poursuit, les investissements tarissent, les exportations périclitent. De surcroît, les balances de paiements et commerciales accusent une nette régression, le Dinar chute, l’inflation sévit. En fait, le cercle infernal se nourrit de ses propres tares.

L’endettement extérieur faramineux aidant (plus de 90% du PIB), les cours du pétrole augmentant de près de 50% par rapport aux prévisions budgétaires, on frôle la banqueroute. Le spectre de la cessation de paiement se profile.

Pourrissement social et sociétal

Évidemment, l’inflation à deux chiffres s’invite dans le vécu des Tunisiens. Les prix des produits de base sont en nette augmentation, à raison de 30% environ en une année. Quant au pouvoir d’achat des ménages moyens et au bas de l’échelle, il rétrécit comme peau de chagrin.

Il en résulte un déchaînement des violences et une effervescence sociale inquiétante.

En fait, la tendance est davantage accusée par la pandémie du Covid 19. Même s’il y a une régression des cas de contamination et des décès, qui ont baissé du tiers environ, le danger persiste et les vaccinations tardives se font au compte-gouttes.

La foire d’empoigne

Politiquement, cela dégénère à vue d’œil. En moins d’une semaine, on a assisté à des scènes d’une violence inouïe fomentées par des députés parlementaires. Sous couvert de l’immunité, ils s’adonnent aux pires actes en toute impunité.

Ainsi, des députés de la formation d’extrême droite dite al-Karama ont investi il y a quelques jours l’aéroport de Tunis-Carthage. Ils ont voulu forcer la police à faire passer illégalement une femme poursuivie devant le pôle judiciaire antiterroriste. Sous couvert de leur immunité parlementaire, ils s’en sont pris violemment aux policiers, les molestant et exerçant des violences et voies de fait à leur encontre.

Un très grand nombre de Tunisiens ont baptisé cette attaque de « conquête militaire de l’aéroport » (ghazouet al-matar). A les entendre, c’est le début du démantèlement de l’Etat tunisien.

Des allures de députés ?

Deux jours plus tard, c’est la foire d’empoigne au Parlement. Les vedettes des actes outrageants furent la présidente du Parti Destourien Libre, Mme Abir Moussi, qui s’en est prise à un journaliste et à une ouvrière et des députés du parti gouvernemental islamiste Ennahdha. En fait, l’un d’entre eux, le député nahdhaoui Néji Jmal a agressé physiquement et giflé la députée du PDL Zeineb Safari, au vu de tous. Il lui a arraché son téléphone portable et l’a jeté par terre. Encore une fois, on prend les femmes pour cibles.

Violence en politique : les femmes comme cibles privilégiées

La gueule de bois

Les Tunisiens affichent leur ras-le-bol, voire leur dégoût. On craint le scénario libanais. En effet, les réseaux sociaux regorgent désormais d’appels au meurtre et d’apologie de l’a violences et de la haine. En fait, l’atmosphère est viciée. Ça sent le souffre. Non, cela ne saurait représenter les valeurs de liberté, de dignité et de tolérance prônées par la révolution.

En fait, la trahison des pseudo-politiciens est manifeste. Ils se trémoussent devant les caméras dans les registres hideux et rébarbatifs. Le commun des Tunisiens y souscrit volontiers : ces gens-là ne nous ressemblent pas !

S.B.F