Par: Kamel Zaiem
Il a fallu tout le savoir faire d’un certain Saïd Jaziri pour éclairer notre lanterne à propos du fonctionnement de la justice en rapport avec le contenu même de la Super Constitution de 2014.
Encore une fois, c’est la Haute autorité indépendante pour la communication audiovisuelle (HAICA) qui se trouve dans le viseur de nos véritables gouvernants, ceux qui ont élu domicile sous l’hémicycle du Bardo et qui viennent de prendre en otage ceux qui opèrent à La Kasbah.
Au Parlement, les offensives dirigées contre la HAICA ne se comptent plus, surtout après la déclaration d’une guerre ouverte entre cette instance constitutionnelle et certains médias qui opèrent librement dans une déconcertante illégalité.
Il suffit d’énumérer ces médias pour tout comprendre. Il s’agit’ essentiellement, des chaines télévisées de Zitouna Tv, Nessma Tv, Hannibal et de la radio clandestine al Quran al Karim du fameux et mystérieux député Saïd Jaziri, dont l’alignement avec les islamistes n’est qu’un secret de Polichinelle.
Haro sur la HAICA
Cette radio, ainsi que les chaines citées, toutes acquises à la cause des partis Ennahdha et Qalb Tounès, continuent à émettre illégalement dans une totale impunité. Et il a fallu que la HAICA décide d’y mettre son nez pour se trouver dans la gueule du loup.
Du coup, les campagnes de diabolisation se sont succédées, faisant de cette HAICA la cible de toutes les critiques et même les menaces les plus cyniques.
Et il a fallu attendre le rapport de la Cour des comptes concernant les élections législatives et présidentielle de 2019 et les campagnes électorales financées par des parties étrangères et fortement soutenues par les médias cités pour mettre encore plus de l’huile sur le feu.
Continuant sur sa lancée, malgré les menaces et les campagnes de dénigrement, la HAICA a décidé, il y a quelques semaines, de passer à l’offensive face aux « pirates » de l’information et de saisir le matériel de la radio al Quran al Karim que le député Saïd Jaziri s’enorgueillit de posséder et de gérer.
Et c’est à partir de ce moment que le show a tourné au drame. Jaziri, pris au dépourvu par cette action tout à fait légale, a choisi de recourir à la justice et a porté plainte contre la HAICA. C’est, dirait-on, de son plein droit, mais de là à considérer l’action de cette instance constitutionnelle comme un acte de vol et de tentative de meurtre, il y a un seuil très dangereux que notre honorable député a volontairement franchi.
Et comme il fallait s’y attendre, dans un pays où la politique se mêle à la justice, le procureur de la République, près du tribunal de Zaghouan, a vite décidé de convoquer Nouri Lejmi, le président de la HAICA, qui s’est trouvé, par la force des choses et de combines, dans le box des accusés alors qu’il n’a fait qu’appliquer la loi.
Pis encore, le même procureur a donné ses instructions pour empêcher le comité de défense qui accompagnant M. Lejmi, d’accéder à l’interrogatoire prévu.
Et comme si ce spectacle de mauvais goût ne suffisait pas, il s’est avéré que cette radio est enregistrée au nom du frère de Saïd Jaziri et que, légalement, ce dernier n’a pas le droit de porter plainte en son nom, n’étant pas le représentant légal de cette radio clandestine.
Le malheur c’est que le procureur cité a eu vent de cette nouvelle, mais il s’est contenté d’affirmer qu’il ne la savait pas !
Eh oui, c’est le monde à l’envers car on se retrouve dans une situation où un contrebandier ose porter plainte contre un douanier qui a saisi sa marchandise illégalement acquise et que le procureur accepte une telle plainte et agit en conséquence.
Ça devient une règle
A l’image d’un Rached Khiari qui continue à jouir d’une totale liberté alors qu’il a beaucoup de comptes à rendre à propos de ses graves accusations envers Kaïs Saïed, le président de la République, les députés proches du clan islamiste bénéficient nettement d’une carte blanche pour franchir toutes les lignes rouges, au grand dam d’une société civile qui pensait pouvoir compter sur une justice réellement indépendante et transparente.
A ce train là, la Tunisie risque de s’enliser de plus en plus dans le chaos du moment que ses gouvernants continuent à agir de leur gré, remettant toute initiative de réforme positive aux calendes grecques.
Kamel Zaiem