Dans son édition de vendredi 27 Août, le journal le Monde, analyse « l’effervescence diplomatique autour de la Tunisie ».
L’auteur de l’article, Frédéric Bobin, pense que ce qu’il appelle » le coup de force de Kais Saied » « a redistribué les cartes de la géopolitique régionale au profit de l’axe Egypte-Emirats arabes unis ».
La nouvelle séquence politique en Tunisie, dont la principale victime est Ennahda, formation issue de la matrice islamiste, est à l’évidence une très bonne nouvelle pour l’axe composé de l’Egypte, des Emirats arabes unis et de l’Arabie saoudite, engagés dans une âpre lutte contre l’influence des Frères musulmans, tout en cherchant à miner la moindre expérience de modèle démocratique susceptible de faire tache d’huile. Les officiels et les médias de ces Etats ont salué avec chaleur les « mesures exceptionnelles » de Kaïs Saïed et les visites de diplomates de haut rang se succèdent à Tunis depuis un mois, la dernière en date étant celle, le 22 août, du ministre saoudien des affaires africaines.
En revanche, l’axe Turquie-Qatar, dont Ennahda était proche, est le grand perdant de cette reconfiguration diplomatique autour de la Tunisie. L’Algérie, de son côté, observe « avec beaucoup d’attention, et même d’inquiétude » – selon le mot d’un diplomate occidental – l’évolution de la situation, dont elle subirait le contrecoup sur sa frontière en cas d’instabilité. Signe de la préoccupation d’Alger, le ministre algérien des affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a effectué trois visites à Tunis en l’espace d’un mois. Une fréquence record…
Le journal évoque un « risque de régionalisation de l’affaire tunisienne », après les déclarations du porte-parole du président turc Erdogan, qui a dénoncé « la suspension du processus démocratique » au lendemain du coup de force du 25 juillet de Kaïs Saïed. La chaîne officielle TRT a évoqué, de son côté, un « coup d’Etat visant à contrecarrer la Turquie ». La présence militaire d’Ankara en Tripolitaine (région occidentale de la Libye) – notamment sur la base d’AlWatiya, située à moins de 30 km de la frontière tunisienne – lui offre un potentiel moyen de pression. Il n’est pas anodin que Tunis ait fermé cette frontière tuniso-libyenne au lendemain du 25 juillet. Ce qui inquiète l’Algérie. Ramtane Lamamra, le patron de la diplomatie algérienne, a réitéré, lors de sa visite à Tunis, le 24 août, son « rejet » de « toute ingérence étrangère » chez son voisin oriental. Autant l’activisme de la Turquie (membre de l’OTAN) en Libye, voire en Tunisie à l’époque de la toute-puissance d’Ennahda, déplaît aux Algériens, autant la nouvelle influence de l’Egypte auprès de M. Saïed les préoccupe. Alger et Le Caire se sont jadis opposés dans leurs ambitions de leadership régional….