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Kaïs Saïd face aux pressions internationales : la stratégie de la fuite déguisée

PAR : Maître Ibrahim BELGHITH

La libération de Mostpha Jammali et Abdelkrim Hakimi est venue marquer une sorte de trêve dans la guerre de Kais Said déclarée contre tout ce qui bouge en Tunisie. Plus improbable et inattendue la libération surprise de Sonia Dahmani comme personne ne se doute en Tunisie aujourd’hui que ces décisions émanent de l’exécutif et n’ont rien de judiciaires d’ailleurs l’analyse juridiques de ces décisions le confirme, il est intéressant de se demander si ce changement d’attitude du président Kais Said est tactique ou stratégique.

Tout d’abord il faut préciser que la libération Mostpha Jammali et Abdelkrim Hakimi fait suite à une condamnation pas à un non-lieu seulement que le tribunal s’est contenté à leur égard de la durée de prison déjà purgée c’est-à-dire que tous les anomalies de procédures et du fond qui présentent des violations graves et prémédités au droits de l’homme notamment ceux au procès équitable n’ont pas été remédié mais confirmé et entériné par le tribunal de première instance de Tunis qui persiste désormais à rendre service au régime que de rendre justice aux citoyens.

Pour Sonia Dahmani c’était une libération conditionnelle c’est-à-dire qu’on est plus dans la phase contentieuse judiciaire mais dans l’exécution de la peine l’article 353 du code de procédure pénal tunisien dispose « La libération conditionnelle ne peut être accordée qu’aux condamnés ayant déjà purgé une fraction de la peine ou du total des peines, égale ou supérieure, à la moitié de la durée de la peine ou des peines pour les condamnés primaires. Toutefois, la durée de la peine accomplie par le condamné ne doit pas être inférieure à trois mois ; aux deux tiers de la durée de la peine ou des peines pour les condamnés ayant des antécédents judiciaires. Toutefois, la durée de la peine accomplie par le condamné ne doit pas être inférieure à six mois. » Me. Dahmani a passé an est six mois en prison et reste 7 mois de sa peine donc elle est tout à fait éligible au bénéfice de la libération conditionnelle d’autant plus qu’elle a plus de soixante ans et peut donc même en bénéficier par dérogation des conditions prévus par les articles 353 et 354 comme le prévoit l’article 355 du code de procédures pénale d’ailleurs la demande de libération conditionnelle déposée par le bâtonnier de l’ordre des avocats tunisiens fait référence à ces textes. Rien donc à priori ne laisse entendre une immixtion extrajudiciaire dans cette décision de la ministre de Justice et pourtant cette décision reste une surprise vu l’acharnement judiciaire qu’a connu Sonia Dahmani devant les tribunaux et les violations de ces droits humains lors de son arrestation, ces procès et en prison mais pour rester dans l’analyse juridique il faut être conscient quand même des anomalies procédurales qui trahissent l’aspect politique de la décision.

En effet ce n’est pas la première fois qu’une telle demande de libération est déposée ce qui prouve déjà un traitement différent alors que la situation juridique est presque la même.

L’article 356 du code de procédure fixe le processus de prise de cette décision « La libération conditionnelle est accordée par arrêté pris par le ministre de la Justice sur avis conforme de la commission de libération conditionnelle. » donc il est question d’avis de la commission de libération conditionnelle ce qui nécessite par la logique des choses quelques jours entre le dépôt de la demande et la saisie de la commission en passant par la direction générales des services judiciaires et la direction pénale  et l’étude de la demande par ladite commission et une réunion pour qu’elle délibère et signifier son avis au ministre que les services vont prendre le temps pour préparer un arrêté pour être signer par le ministre et informer les services compétents pour exécution.

Pour revenir à notre cas la demande déposée pour la libération conditionnelle de Me Dahmani par le bâtonnier a été rédigée et signer le 27 novembre 2025 comme le prouve le cachet du bureau d’ordre de l’Ordre et a été déposée le même jour comme peut l’attester le cachet du bureau d’ordre du ministère de justice. Le même jour logiquement la commission a été réunie et a émis un avis favorable sur la base duquel la ministre a signé l’arrêtée le tout le même jour sachant que la nouvelle est parue à la presse le matin du 27 novembre 2025 et Me Dahmani a été libérée avant 13h le même jour. On peut conclure sans crainte d’exagération que cet arrêté bien qu’il soit au fond correct est pris d’une façon exorbitante et exceptionnelle si l’on considère aussi la bureaucratie chronique de l’administration tunisienne même en présumant la neutralité de la ministre envers Sonia Dahmani ce qui n’est pas bien sur vrai.

Cette célérité aussi surprenante qu’inhabituelle atteste que le processus de décision n’a pas commencé par la demande du bâtonnier c’est plutôt une demande sollicitée par la ministre même pour pouvoir prendre l’arrêté le jour même. La demande publiée par l’Ordre a été alors sur commande de la ministre qui a coupe-circuité la commission de la libération conditionnelle qui aurait peut-être astreinte à signer un avis favorable sur le tas. Sans s’attarder sur les motifs de la publication de la demande par l’Ordre si c’était pour offrir une couverture à la ministre ou juste pour récupération de l’exploit de la libération le plus important c’est de se poser la question sur cette énigmatique et improbable 180 degrés du régime avec Sonia Dahmani.

Il est vrai que l’équipe de défense de Sonia Dahmani est l’une des plus nombreuses et actives d’ailleurs me Boubaker Bethabet en fait partie avant même son élection au bâtonnat de l’Ordre national des avocats. La sœur de Sonia Dahmani n’a cessé de mener des extraordinaires compagnes de soutien à sa sœur à tel point qu’elle a été condamné par défaut à deux ans de prison. Sonia Dahmani a joui d’un soutien inégalé par ces paires européens surtout français on compte plus les structures d’avocats français et leurs actions en faveur de Me Dahmani.

En qualité de journaliste sa cause aussi a été soutenue sur le plan nationale et internationale comme l’atteste le prestigieux prix de la liberté de la presse 2025 qui lui a été attribué le 20 novembre 2025 à New York.

Mais les différends prix et action et motions en sa faveur se sont accumulés depuis son arrestation sans que les autorités en place en Tunisie ne semblent fléchir malgré la pression que représentent tous ses soutiens.

Une résolution du parlement européen vient changer la donne le texte voté par une large majorité de tous bords de députés européens condamne les violations des droits de l’homme perpétués par le régime tunisien notamment pour le cas de Sonia Dahmani et demande sa libération. C’était aussi le 27 novembre 2025 le hasard fait bien les choses ? bien sûr que non.

En effet le projet de résolution et sa programmation pour l’audience de vote a été publié depuis quelques jours. Pour anticiper le fait de céder aux pressions et trouver un récit qui ne compromet pas sa caricaturale prétendue souveraineté Kais  Said a convoqué l’ambassadeur de l’Union Européenne et selon la page Facebook de la présidence l’aurait  convoquer pour contestation de son irrespect des coutumes diplomatiques ( rencontre avec le secrétaire général de l’UGTT ) même si c’est normalement le ministre des affaires étrangères qui est compétant pour le faire selon ces coutumes d’ailleurs ce derniers sera chargé par Kais  Said pour la même mission avec l’ambassadrice des pays bas deux jours plus tard le tout a été scénarisé par le président dans une communication axée sur le souverainisme infaillible et son infléchissement de principe aux pressions internationales. Le dernier tour dans ce stratagème était la libération conditionnelle de  Sonia  Dahmani avant le vote de la résolution du 27 novembre 2025 peut être espérait-il que le projet soit retiré en tout cas ça lui a servi de nier la relation de cause à effet entre le vote du parlement européen et la libération de Sonia Dahmani même s’il ne faut pas être expert ni en relation internationale ou en économie pour en déduire cette relation.

Il faut toujours rappeler aussi que cette résolution n’est pas une immixtion ou une violation au principe de souveraineté puisque l’article 2 de l’accord de l’association entre la Tunisie et l’Union européenne qu’en fête cette année ces trente années en absence de la société civiles à la demande de Kais Said prévoit que les droits de l’homme sont la colonne vertébrale des relations des parties.

Si une résolution du parlement européen a été si efficace logiquement l’efficacité sera certainement double ou triple si la commission européenne et le conseil d’Europe se décident à respecter l’article 2 précité de l’accord de l’association même s’il est évident que la restitution de l’état de droit et la transition démocratique en Tunisie est à la tâche des citoyennes et citoyens tunisiens en premier et dernier plan.

En conclusion la libération de Mustpha Jammali  Abdelkrim Hkimi et Sonia  Dahmani et avant eux Sihem Ben  Sedrine bien que mérité à titre de leur innocence était une réaction du régime de Kais  Said aux pressions onusienne et européenne mais cela ne compromet en rien l’importance des efforts de la société civile locale et internationales qui continuent et s’intensifient à juste titre pour ces victimes et pour les victimes du régime de Kais Said.

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