Par : Kamel Zaiem

On a vécu des moments pareils le 7 novembre 1987 et le 14 juillet 2011 lorsque le pays a tremblé. Quelques heures après le discours de Kaïs Saïed, le soir du 25 juillet 2021, les regards étaient déjà tournés vers la France et les Etats-Unis pour recueillir les premières impressions.

C’est que, qu’on le veuille ou pas, il vaut mieux disposer du feu vert des grandes puissances étrangères lorsqu’on se lance dans une opération de telle envergure.

Pour Kaïs Saïed, l’essentiel était d’avoir le feu vert de ses concitoyens et des trois millions de bipèdes qui ont voté pour lui en 2019, pour ne pas dire une frange plus importante de la population qui a vite fait d’adhérer à ses choix.

Un feu vert par-ci, un feu orange par-là

En activant l’article 80 de la Constitution, il est demeuré dans la légalité et sa manœuvre était tout sauf un coup d’Etat, comme veulent le faire croire ses adversaires, Ennahdha et ses alliés en tête.

Le suspense allait durer quelques heures avant de voir quelques premières réactions internationales filtrer timidement pour prendre de l’ampleur à partir du 26 juillet.

Et comme attendu, c’est la France qui a été la première à se manifester avec des déclarations positives qui rappellent, à la fois, la nécessité de respecter la volonté du peuple et celle de préserver les acquis démocratiques dont le pays est fier malgré les dérapages et les mauvais coups qui ont accompagné cette brise de démocratie.

On a vite compris que du côté de l’Hexagone, le feu vert n’a pas tardé et l’entente entre Kaïs Saïed et Emmanuel Macron, déjà évidente depuis la visite du président tunisien à Paris quelques mois auparavant, est actuellement au beau fixe.

L’opinion publique ne s’est pas trop attardée sur l’avis des Américains. Certes, les islamistes comptent beaucoup sur le soutien du pays de l’Oncle Sam, mais ce qui s’est passé le 25 juillet était quasiment une revendication populaire qui n’a pas besoin d’aller chercher l’avis des autres, les USA compris.

Masmoudi : il n’y a pas eu de baroud d’honneur

Et comme attendu, c’est vers l’étranger que les islamistes tunisiens se sont retournés pour demander un soutien. Leurs lobbys fonctionnent à merveille pour ce genre d’exercice et leur plus grand lobbyiste aus USA, Radwan Masmoudi, n’a pas manqué de faire le boulot. Ce dernier a remis ainsi une lettre du congressman américain, le républicain Joe Wilson, envoyée lundi 26 juillet au secrétaire d’Etat américain Antony Blinken Il lui demande de prendre une position plus ferme en Tunisie et de conditionner le soutien financier américain avec son respect de la démocratie et, par conséquent, de laisser travailler le Parlement, dominé par les nahdhaouis. 

Or, cet acte désespéré des grands perdants de l’ère post-25 juillet, n’a pas porté les fruits escomptés par les islamistes. Les Américains veillent, certes, sur les intérêts des islamistes qu’ils ont eux-mêmes chargés de mettre en exécution les principes du fameux printemps arabe, devenu quelque temps après un maudit automne, mais lorsque le moment du changement s’impose et que le peuple intervient énergiquement pour inciter à tourner la page, ce soutien promis aux islamistes n’a plus de sens.

Après l’Egypte, la Tunisie

Du coup, les Américains ont opté pour la sagesse. Ils se trouvent dans l’obligation de faire confiance à Kaïs Saïed, comme ils l’ont fait par le passé avec Abdelfattah al Sissi, le président égyptien qui s’est, lui aussi, débarrassé des Frères musulmans sans consulter, au préalable, les Américains.

La confirmation est venue deux semaines après. Une imposante délégation américaine a débarqué à Tunis avant-hier vendredi, comportant de hauts responsables et conseillers du président Joe Biden.

Que veulent les Américains ? L’envoyé spécial de Biden a indiqué que « le président américain suit l’évolution de la situation en Tunisie, et qu’il a le plus grand respect pour ce pays et pour son président. L’administration américaine est consciente de l’ampleur des défis auxquels la Tunisie fait face, notamment la question économique et sanitaire. Les Américains soutiennent le processus démocratique et attendent avec impatience les prochaines étapes que le président de la République prendra aux niveaux gouvernemental et politique ».

Des recommandations à la portée

A priori, le seul souci des Américains est de voir Saïed désigner très bientôt un chef de gouvernement pour permettre un rapide retour aux pratiques démocratiques. Il n’a pas parlé des islamistes. Il l’a fait par respect car à travers ses contacts avec les composantes de la société civile, il a pu recueillir les impressions d’un peuple « démoli » par ces dix ans de règne nahdhaoui et il doit se soumettre à l’évidence.

Certes, la Tunisie a intérêt à préserver ses relations exceptionnelles avec les Américains, mais nous ne devons pas beaucoup trembler de cette visite américaine et des quelques commentaires qui l’entourent.

K.Z.