Par : Kamel Zaiem

Avec un bilan quotidien de plus de cent décès et de milliers de nouvelles contaminations, la Tunisie est au creux de la vague dans son combat contre le Covid-19, et il est évident, aujourd’hui, que la gestion de cette pandémie est loin de convaincre et de rassurer et l’hécatombe risque de se poursuivre en l’absence d’une stratégie efficace loin des contraintes politiques qui continuent à faire du mal à un peuple qui ne sait plus à quel saint se vouer pour arrêter l’hémorragie.

Aussi bien au Parlement, à La Kasbah, au ministère de la Santé, au siège de la Commission scientifique de lutte contre le Covid-19 qu’au palais de Carthage, la confusion, les intérêts étroits des uns et des autres et l’absence du savoir-faire ont fait que la stratégie adoptée n’était pas adéquate avec des scientifiques qui analysent selon les désirs des politiciens et un gouvernement qui délaisse l’avis des spécialistes pour gérer la situation avec un amateurisme indigne de responsables politiques appelés à servir les intérêts des citoyens et de les protéger dans de telles catastrophes.

De vagues solutions

Le président de la République a mis un an et demi pour se convaincre de la stérilité de la politique sanitaire mise en place. Kaïs Saied vient de présider une réunion en présence du chef du gouvernement, de plusieurs ministres, dont ceux de la Santé et de la Défense, du Gouverneur de la Banque centrale et du directeur général de l’Institut Pasteur. Tout ce beau monde a discuté, échangé, proposé, analysé et diagnostiqué sans offrir de réelles solutions pour la suite de cette bataille contre la mort.

Selon la présidence de la République, la rencontre a porté sur « les raisons réelles et profondes ayant conduit à la situation actuelle qui devient plus complexe de jour en jour ». C’est comme s’il s’agissait d’une curieuse découverte alors qu’il s’agit d’un secret de Polichinelle puisque cette politique, basée sur des intérêts étroits et des bases peu solides qui prennent en compte des arguments politiques et financiers illogiques, était vouée, dès le départ, à l’échec.

Certes, Kaïs Saïed et les participants à cette réunion, des décisions ont été prises, mais seraient-elles suffisantes et efficaces pour sauver les meubles et inverser les courbes et les chiffres ?

Les mauvais calculs au rendez-vous

Pourtant, d’autres solutions plus percutantes étaient à portée de main, mais les mauvais calculs des hauts responsables du secteur économique et financier étaient toujours présents pour faire échouer les bonnes initiatives. A commencer par la fameuse affaire des vaccins puisque la Tunisie n’a pas cessé, depuis des mois, de mendier d’un pays à l’autre pour se procurer le nombre nécessaire de doses. Dès le départ, le coût des vaccins était connu puisque l’acquisition de 24 millions de doses pour les 12 millions d’habitants coûte environ 600 millions de dinars, un montant que la Tunisie aurait pu assurer par l’octroi d’un prêt comme elle l’a fait à plusieurs reprises pour d’autres secteurs moins importants et moins vitaux.

Des pays comme l’Egypte, l’Algérie et le Maroc l’ont fait et ils nous devancent largement, aujourd’hui, dans le domaine de la vaccination, ce qui leur a fait gagner beaucoup de temps pour sauver des milliers de vies, au contraire de ce qui s’est passé chez nous avec un gouvernement indifférent face au danger et une classe politique qui poursuit jusqu’à aujourd’hui ses manouvres pour demeurer au pouvoir malgré ce cuisant échec qui est en train de tuer, chaque jours, des centaines de citoyens.

La Tunisie, qui a appris à s’enfoncer, de jour en jour, dans les profondeurs d’une crise économique qui ne fait qu’empirer avec cette même classe politique au pouvoir, va devoir cohabiter avec une crise sanitaire de plus en plus meurtrière et qui risque d’aller crescendo en l’absence d’une ligne directrice qui se base essentiellement sur le savoir-faire des scientifiques et de la volonté, heureusement exemplaire, de l’armée blanche qui se bat farouchement contre le redoutable virus.

Tout doit changer

Les politiciens, à l’image d’Ennahdha qui est en train de mobiliser les siens pour la formation d’un gouvernement politique au lieu de contribuer à sauver les vies face à la pandémie,  annoncent déjà la couleur de leur futur échec, mais ils semblent peu soucieux de mener le pays vers une véritable catastrophe humaine.

Les citoyens, eux aussi responsables, en partie, de tout ce qui se passe aujourd’hui à cause de leur manque de discipline et de sens de la responsabilité, savent qu’ils ne peuvent que compter sur eux-mêmes pour échapper à un tsunami de décès à travers le pays.

Jusqu’à preuve du contraire,  beaucoup de choses doivent changer et au plus vite. Le peuple se doit de se prendre en charge sans trop tarder et les professionnels de la santé, surtout ceux qui constituent la commission scientifique, n’ont plus le droit de garder le silence ou de se montrer aussi complaisants et complices.

K.Z.