Par : Kamel Zaiem
Depuis le soir du 25 juillet 2021, les islamistes ne savent plus sur quel pied danser. Chassés de leur Tour d’ivoire au Bardo, ils risquent désormais gros.
Et pourtant. Les nahdhaouis pensaient avoir fait le plus difficile pour se maintenir au pouvoir jusqu’en 2024 et les prochaines élections législatives et présidentielle. Le bras de fer avec Kaïs Saïed semblait se diriger en leur faveur après la mainmise sur Hichem Mechichi, le chef de gouvernement qui a osé tourner le dos à son parrain au palais de Carthage pour se jeter dans les bras de la coalition au pouvoir.
En pleine détresse
C’est avec cet esprit de supériorité, de dédain et d’arrogance que le parti du cheikh Rached Ghannouchi a fait face à la volonté du peuple, exprimée le jour de la célébration de la fête de la République, une date qui ne fait ni chaud ni froid à des islamistes qui ne font pas de leur appartenance à la Tunisie une source de fierté.
Fortement secoués par le tsunami populaire qui risque très fort de les emporter, les nahdhaouis, en pleine détresse, ne savent plus où donner de la tête même s’ils donnent l’impression de se ressaisir plus de deux semaines après les derniers événements.
Et si les Tunisiens étaient dans l’attente des suites logiques du dernier rapport de la Cour des comptes, la succession des faits a vite fait de remettre ce dossier sur la table. Plusieurs partis politiques et candidats aux élections ont été épinglés dans ce fameux rapport. C’est le cas des partis Ennahdha (52 sièges à l’ARP), Qalb Tounes (38 sièges) ainsi que le mouvement “3ich Tounsi” (un seul siège) ” présidé par Olfa Terras. Ces infractions n’ont pas choqué l’opinion publique car historiquement, l’impunité a été toujours de mise dans le pays, ce qui pousse les acteurs politiques à ne pas prendre en considération les conclusions de tels rapports et celui de la Cour des comptes traine depuis le mois de novembre 2020. Le parti islamiste avait renouvelé le contrat qu’il avait signé en 2014 avec l’agence de communication Burson Cohn & Wolfe pour la campagne électorale de 2019. Quant à Nabil Karoui, président du parti Qalb Tounes, il a signé un contrat avec la société de lobbying canadienne basée aux Etats-Unis, Dickens and Madson. Olfa Terres a, pour sa part, conclu un accord avec la société étrangère America to Africa consulting en octobre 2019, selon la même source.
Et rebelote…
Le parti islamiste, devenu un habitué de telles manœuvres, n’a pas hésité à récidiver alors qu’il était en plein désarroi. Un nouveau contrat de lobbying, conclu le 29 juillet dernier, par Ennahdha avec l’agence “Burson Cohn and Wolf”, d’une valeur de 30 mille dollars, vient d’être révélé. En vertu de ce contrat, l’agence facilite le lien entre le parti et les acteurs principaux aux Etats Unis, lui garantit le soutien des médias ainsi que des prestations de conseil et stratégie en communication.
Cette nouvelle opération très suspecte intervient le lendemain d’une décision officielle, annoncée par, Mohsen Dali, le porte-parole du Tribunal de première instance de Tunis 1, qui a indiqué que le ministère public près du pôle judiciaire économique et financier avait entamé depuis les deux premières semaines du mois de juillet, l’examen de plusieurs dossiers qui concernent des contrats de lobbying dans lesquels sont impliqués le mouvement Ennahdha, le parti Qalb Tounes et l’association “Aich Tounsi”.
Un cumul lourd de conséquences
Le même porte-parole a indiqué, vendredi dernier, que le ministère public est en train de collecter les données sur le contrat de lobbying conclu entre le mouvement Ennahdha et l’Agence internationale de communication et de relations publiques et qu’il procède actuellement à des investigations pour prendre une décision soit par l’ouverture d’une nouvelle enquête ou par la jonction de cette affaire avec celle en cours sur les contrats de lobbying conclus avant les élections législatives de 2019.
C’est dire que le parti islamiste se trouve, désormais, dans de beaux draps. Les hauts dirigeants nahdhaouis, surtout ceux qui soutiennent des changements profonds au sein de leur parti, sont déjà conscients de la délicatesse de la situation actuelle. Leur discours est en train de changer et ils ne parlent quasiment plus de « putsch » ni de coup d’Etat. Quant au cheikh Ghannouchi, il alterne le chaud et le froid en annonçant qu’Ennahdha est prêt à faire des concessions (comme s’il a d’autres choix et cartes en main) ou en continuant sa fuite en avant, lui qui rêve toujours d’un soutien étranger pour le sauver à la dernière minute, alors que tout le monde s’accorde à penser que l’épopée de l’islam politique, encore en vie grâce à Ennahdha, vit ses derniers jours.