Après un casting qui a duré plus deux mois, le président de la République Kais Saied a tiré de son chapeau, tel un prestidigitateur, le nom d’une femme, Najla Bouden Romdhane pour la charger de former le prochain gouvernement. Une première depuis l’indépendance du pays en 1956.  Et du jamais vu dans les pays arabes. « C’est un moment historique, un honneur pour la Tunisie et un hommage à la femme tunisienne », a-t-il déclaré en présence de la nouvelle cheffe du gouvernement.  Face à la pression intérieure et extérieure, et l’attente interminable des Tunisiens, la nomination de Najla Bouden est une surprise. Son nom n’a jamais été cité pour un quelconque poste ministériel, ni encore pour la primature.

À 63 ans, cette femme largement méconnue du grand public et non encartée, va occuper le poste « jusqu’à la fin des mesures exceptionnelles », dont la durée n’a pas encore été arrêtée. Ce sera une période à la fois transitoire et provisoire.

Quelle mission ?

Elle va, d’abord, s’atteler à la tâche de former son équipe en étroite collaboration avec le chef de l’Etat, en vertu de l’article16 du décret 117 du 22 Septembre 2021, relatif aux mesures exceptionnelles qui stipule que « le Gouvernement se compose du Chef du Gouvernement, de ministres et de secrétaires d’Etat nommés par le Président de la République.
Le Chef du Gouvernement et les membres du Gouvernement prêtent devant le Président de la République le serment prévu par le dernier alinéa de l’article 89 de la Constitution. »

Sa principale mission, selon le communiqué officiel de la présidence, sera « de mettre fin à la corruption et à l’anarchie qui s’est répandue dans de nombreuses institutions de l’État ». Deux champs de bataille chers au président. Elle est appelée à former une équipe « qui doit s’activer pour répondre aux aspirations des Tunisiens et à leur droit à la santé, l’éducation, le transport et la dignité ».

Elle hérite d’une situation difficile, car le pays est en pleine crise après la suspension des travaux de l’ARP, le 25 juillet dernier. L’économie est exsangue et les attentes sont énormes. Les rapports avec les organisations nationales et en premier lieu desquelles l’UGTT ne sont plus au beau fixe. Le président a renforcé ses pleins pouvoirs grâce à un nouveau décret présidentiel l’autorisant à prendre des « mesures d’exception en cas de péril imminent pour le pays » ainsi qu’à présider le conseil des ministres. Rien ni personne ne pourrait l’empêcher d’intervenir dans les nominations des membres du gouvernement et d’empiéter sur les plates-bandes de la cheffe du gouvernement, puisque c’est lui qui « oriente sa politique générale de l’Etat et ses choix fondamentaux.» (Article 9 du décret 117).

Quel format du gouvernement ?

On a souvent parlé de gouvernement resserré formé de grands pôles à caractère économique et social avec à leurs têtes des personnalités qui ont déjà fait leurs preuves dans la gestion des affaires. Car depuis, 2011 on a connu des gouvernements pléthoriques dont le nombre dépassait la quarantaine. Avec de piètres résultats.

Najla Bouden sera le 18ème chef du gouvernement de la Tunisie indépendante et la 10ème depuis 2011. Elle succèdera à Hichem Méchichi qui a été, également, choisi par Kais Saied, avant de le limoger sans ménagement. Saura-t-elle retenir la leçon de son prédécesseur qui s’est laissé entrainer dans des eaux troubles et en payer le prix fort ?

Aura-t-elle les coudées franches face à un président omnipotent qui a accaparé tous les pouvoirs entre ses mains ?

B.O